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on le fait marcher à coups de crosse ; on le conduit à Mayence, où on le jette dans un cachot, et le malheureux fut sur le point d’être fusillé.

Le 29 octobre et le 2 novembre, les ballons le Colonel-Charras et le Fulton faisaient un heureux voyage, de Paris en province ; mais le 4 novembre, le Galilée, monté par MM. Husson et Antonin, atterrissait près de Chartres, entre les mains des ennemis.

Le 12, du même mois, le Daguerre, avec MM. Pierson et Nobcourt, descendait à Ferrières, au milieu d’un bataillon prussien, qui s’empara de l’aérostat. Au même moment, le Niepce, monté par MM. Pagomes, Dagron, Fernique et Poisot, échappait miraculeusement à la capture.

Plus tard, dans le courant du mois de décembre, la Ville-de-Paris, montée par MM. Delamarne, Morel et Billebault, et le Général-Chanzy, conduit par M. Venecke, tombaient en Allemagne. Le premier fut fait prisonnier à Wertzburg, en Prusse ; le second à Bottemberg, en Bavière. Les voyageurs eurent à subir des mauvais traitements et une pénible captivité ; mais, contrairement à ce qui a été écrit, ils ne furent pas fusillés.


La prise du Galilée et la catastrophe du Daguerre avaient répandu l’alarme dans Paris. L’administration des postes crut avoir trouvé le moyen d’éviter de semblables désastres, en faisant partir les ballons de nuit.

Triste expédient, hâtons-nous de le dire, car se confiner dans les ténèbres, pour faire partir un ballon, c’est exposer les aéronautes à toutes sortes de dangers.

Pour se rendre compte de sa position au milieu des ténèbres, il fallait emporter un fanal assez puissant. Celui dont se servaient quelques aréonautes était, comme le représente la figure 502, une lampe à pétrole, munie d’un réflecteur : la lampe et le réflecteur étaient renfermés dans une boîte, et le faisceau lumineux s’élançait par une ouverture pratiquée à la paroi de la boîte.

Un moyen dont se servaient également les aéronautes du siège, pendant les ascensions nocturnes, pour reconnaître la direction qu’ils suivaient, c’était de confier à l’air de petits morceaux de papier blanc, qui s’envolaient selon le vent.

Une flèche en papier suspendue au bras horizontal d’une tige de bois verticale leur servait également à se renseigner sur la direction du vent.

Mais tous ces moyens étaient bien précaires, et un départ effectué la nuit exposait, nous le répétons, à de grands dangers.

La suite ne le démontra que trop ; et nous allons avoir à raconter une triste série de naufrages aériens.


Le 18 novembre, le ballon le Général-Uhrich, monté par MM. Lemoine et Thomas, partait, à 11 heures 15 minutes du soir, de la gare du Nord. La nuit, noire et sombre, donnait un aspect fantastique au globe aérien, qui bondit dans l’espace, au milieu de l’émotion générale des assistants. L’aérostat flotta toute la nuit dans l’obscurité, et chose singulière, après ce long voyage, il descendit dans le département de Seine-et-Oise, à Luzarches. Il est probable que, ballotté par des contre-courants, il suivit, à différentes altitudes, des directions opposées, qui ne lui permirent pas de s’éloigner davantage de Paris.


Six jours après, MM. Rolier et Bézier s’élevaient, à minuit, de la gare du Nord. Ils allaient entreprendre, à leur insu, la plus étonnante ascension que les annales aérostatiques aient jamais comptée ; car leur traversée alla du nord de la France à la Belgique, à la Hollande et à la mer du Nord, pour aboutir en Norvège.