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Quelques instants après, un pigeon lancé par les aéronautes, qui venaient de prendre terre, rentra à Paris, et apprit au gouvernement l’arrivée de Gambetta dans la ville de Tours.


Après les six premiers ballons sortis de la capitale, onze autres franchirent, sans obstacles, les lignes ennemies, du 12 au 27 octobre.

Le 12 octobre, le Washington partait, enlevant MM. Van Roosebeke, propriétaire de pigeons, et Lefebvre, consul de Vienne.

Le Louis-Blanc, conduit par M. Farcot, accompagné de M. Tracelet, propriétaire de pigeons, quittait Paris le même jour. Le premier de ces aérostats descendit près de Cambrai ; le second toucha terre dans le Hainaut, en Belgique.

Le 14 octobre eut lieu le départ de deux aérostats. Le premier, le Cavaignac, conduit par Godard père, emportait M. de Kératry et deux voyageurs ; le second, le Jean-Bart, monté par M. Albert Tissandier, avait pour passagers MM. Ranc et Ferrand.

Le 16 octobre, le Jules-Favre s’élevait, à 7 heures 20 minutes du matin, de la gare d’Orléans, suivi, à 9 heures 50 minutes, du Lafayette.

Le 18 octobre, le Victor-Hugo partait du jardin des Tuileries, à 11 heures 45 minutes.

Le 19 octobre, avait lieu le départ de la République-Universelle ; le 22 octobre, l’ascension du Garibaldi ; le 25 octobre, le départ du Montgolfier ; enfin, le 27 octobre, celui du Vauban.

Jusqu’au 27 octobre, la poste aérienne fonctionna très régulièrement. On avait adopté un modèle uniforme de ballons, qui était économique et d’un aspect assez élégant. Leur volume était d’un peu plus de 2 000 mètres cubes. On en fabriqua, dans toute la durée du siège, 54, qui coûtèrent 4 000 francs chacun. Le siège de cette fabrication était la gare du chemin de fer du Nord. Des marins et des femmes étaient les ouvriers de cet atelier improvisé (fig. 501).

Trois millions de lettres, du poids de 4 grammes, représentant une recette de neuf cent mille francs, furent transportés par les ballons-poste.


Revenons aux départs effectués après le 27 octobre.

Cette dernière date est funeste dans l’histoire des ballons-poste ; car elle marque la première de nos catastrophes aériennes, c’est-à-dire la première capture d’un ballon par l’ennemi.

Le 27 octobre 1870, le jour même où Metz était forcée de capituler, le ballon la Bretagne s’élevait, à midi, de l’usine à gaz de la Villette, emportant MM. Vœrth, Hudin et Manceau, sous la conduite d’un aéronaute, M. Cuzon.

Depuis deux heures il planait dans l’air, quand l’aéronaute tira la corde de la soupape, pour atterrir. Par une fatale erreur, ayant mal reconnu le pays, il tombait en plein camp prussien ! Une vive fusillade l’accueille, et l’un des passagers, M. Vœrth, confiant dans sa nationalité d’Anglais, saute à terre, et parlemente avec les soldats allemands. Mais le ballon, ainsi subitement allégé, à l’improviste, s’élance dans l’air, avec une rapidité vertigineuse. Les aéronautes demeurés dans la nacelle lâchent du gaz, redescendent, et la Bretagne touche encore la terre. MM. Hudin et Cuzon sautent ensemble sur le sol, et M. Manceau, demeuré seul, est aussitôt emporté à d’incommensurables hauteurs. Le froid le saisit, le sang lui sort des oreilles. Il parvient, néanmoins, à tirer la corde de la soupape : l’aérostat descend aux environs de Metz. M. Manceau s’élance de la nacelle ; mais il a mal calculé sa hauteur, il tombe de quelques mètres, et se casse la jambe.

Le lendemain, des soldats du 4o Uhlans s’emparent du voyageur. Malgré sa fracture,