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que commença la série des ascensions avec des ballons neufs.

La première devait laisser un grand souvenir dans l’histoire de la guerre franco-allemande. C’est, en effet, le 7 octobre 1870, que Gambetta, Ministre de l’intérieur, quitta Paris, en ballon, pour aller organiser en province la défense nationale.

Dès le matin, de nombreuse estafettes étaient échangées entre le ministère et la place Saint-Pierre, à Montmartre, où devait s’effectuer le départ du ballon, l’Armand-Barbès, emportant Gambetta et sa fortune. À deux heures, Gambetta, accompagné de M. Spuller, son alter ego, s’élevait vers le ciel.

L’Armand-Barbès avait, d’ailleurs, un compagnon de route : c’était le Georges-Sand, monté par deux citoyens américains, qui avaient voulu voyager de conserve avec lui. Nos deux Yankees auraient pu quitter Paris sans un tel appareil, en se bornant à demander un sauf-conduit à leur ambassadeur ; mais ils avaient préféré partager les péripéties qui pouvaient signal le voyage du futur dictateur.

Fig. 499. Un aérostat du siège de Paris, passant au-dessus d’un camp prussien.

Ces péripéties, d’ailleurs, ne manquèrent pas. Le Georges-Sand toucha terre sans avaries notables ; mais il en fut autrement de l’Armand-Barbès.

Conduit par un aéronaute de profession, le ballon qui enlevait Gambetta et M. Spuller s’abattit dans un champ que des soldats Prussiens venaient de quitter peu d’instants auparavant. S’il fut parti de Paris un quart d’heure plus tôt, le jeune tribun aurait été pris par les soldats de Guillaume, et fusillé. Du reste, le ballon s’était un moment tellement rapproché du sol que des balles allemandes avaient sifflé autour de la nacelle.

On s’empressa de jeter du lest, pour quitter ce dangereux point d’atterrissage ; mais le ballon ne put monter, et partit horizontalement, à travers les arbres d’une forêt, dont les branches déchiraient son tissu fragile, et meurtrissaient cruellement les trois voyageurs. Heureusement, ils finirent par s’accrocher à un arbre, et le ballon s’arrêta, jetant pêle-mêle sur le sol, les voyageurs tout meurtris. La forêt n’était pas occupée par les Allemands. Gambetta et M. Spuller purent donc gagner, sans autre accident, la ville de Tours, but de leur voyage.