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d’appliquer le système des communications optiques à mettre en rapport télégraphique l’île Maurice, possession anglaise, et notre île de la Réunion.

En effet, toutes les tentatives faites pour relier les deux îles par un câble sous-marin paraissaient devoir échouer, en raison de l’abondance des récifs sur les deux rivages, et les deux gouvernements étaient peu disposés à en faire l’expérience. M. Léon Adam créa une agitation pacifique à l’île de la Réunion, pour convertir à son projet les habitants de l’île ; et par de nombreuses publications et brochures, il finit par obtenir gain de cause. Les fonds nécessaires pour les premiers essais furent réunis, grâce au concours et à l’activité d’un habitant de l’île, M. de Buisson, enthousiaste de ce projet, et les essais ayant parfaitement réussi, M. Léon Adam partit pour la France, au mois d’août 1882, pour demander au Ministre de la guerre de lui céder deux appareils télescopiques du colonel Mangin, du modèle de 0m,60 pour la lentille.

Le 2 octobre 1882, M. Faye communiquait à l’Académie des sciences le projet de M. Léon Adam, et ce dernier, après s’être exercé au maniement des appareils optiques, avec le colonel Mangin, repartait pour l’île Maurice, avec les instruments prêtés par le Ministre de la guerre.

Il fallait obtenir du gouvernement anglais l’autorisation d’établir à Maurice la station optique projetée au sommet du Pouce. Les négociations prirent du temps ; mais en janvier 1883, l’autorisation ayant été accordée et, d’autre part, le Conseil général de la Réunion ayant voté une somme de 3 000 francs pour cette entreprise, M. Léon Adam créa le poste de l’île de la Réunion, sur le pic du Bois-de-Nèfles, à 1 130 mètres d’altitude, et dirigea les rayons solaires, réfléchis par un miroir d’un mètre carré, sur le sommet du Pouce (île Maurice), à 750 mètres au-dessus du niveau de la mer. La distance qui sépare ces deux positions est de 215 kilomètres.

En 1885, la réussite fut complète. Du Pouce on voyait très bien les éclats du miroir : ils avaient l’aspect d’une étoile rouge-orange.

Plus tard, M. Léon Adam trouva sur le Pic-Vert, à l’île Maurice, un poste plus favorable, qui rapprochait les distances de 25 kilomètres. Il dut enfin changer encore de poste, pour opérer en un lieu moins élevé. Le Pic-Lacroix, haut de 680 mètres, fut définitivement choisi.

M. Léon Adam put alors télégraphier régulièrement, de l’île de la Réunion à Maurice. Le 12 juillet 1886, on vit, de la Réunion, les éclats du miroir de Maurice, aussi éblouissants que le soleil à l’horizon.

Quant aux communications de nuit, les appareils furent réglés et éclairés au pétrole. Dès la première nuit, on conversa entre les deux postes, avec la plus grande facilité, pendant plusieurs heures, et des dépêches furent échangées les jours et les nuits qui suivirent.

Ces échanges comprenaient 20 jours enregistrés : 28 télégrammes furent transmis, formant, en somme, 292 mots.

La démonstration d’une communication régulière étant faite, surtout en tenant compte d’opérations exécutées à l’aide d’une simple lampe à pétrole ordinaire, et avec un personnel inexpérimenté, on conçoit que l’entreprise de M. Léon Adam entra bientôt dans la période du fonctionnement actif et régulier. Aujourd’hui, les deux îles sont en communication constante par les projections lumineuses de l’appareil Mangin.

Il est intéressant de voir des travaux, conçus tout d’abord en vue des besoins de la guerre, s’approprier aussi bien aux intérêts de la science et de l’humanité, et M. Léon Adam mérite les plus grands éloges pour avoir réalisé la plus importante des