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M. Goppelsroder a eu l’idée de produire des oxydations de substances organiques en se basant sur la propriété du courant électrique de décomposer l’eau en ses deux éléments, hydrogène et oxygène. Son procédé a été principalement appliqué à la fabrication des couleurs dérivées de l’aniline.

Avant lui, il faudrait citer MM. Becquerel, Frankland, Kolbe, Van Babo et Renard, dont les recherches sont du plus haut intérêt.

À la même époque, en 1875, M. Goppelsroder, en Suisse, et M. Coquillon, en France, obtinrent des résultats assez concluants par la préparation par voie électrique, de certaines matières colorantes.

M. Coquillon a obtenu, en particulier, par l’électrolyse, le noir d’aniline insoluble.

Il est à remarquer que, lorsqu’on traite les couleurs dérivées de la houille, on peut obtenir, par hydrogénation et par oxydation, deux couleurs différentes, produites par le même corps.

Il faut, pour en empêcher le mélange, employer des bacs séparés en deux parties par une cloison poreuse, de part et d’autre de laquelle on fait tremper dans le bain les fils de platine chargés de conduire le courant.

C’est ainsi qu’on a pu obtenir, à l’aide du noir d’aniline, plusieurs bleus : l’alizarine artificielle, le violet d’Hoffmann, etc.

Les matières colorantes obtenues par l’électrolyse sont très pures et elles donnent aux soies des nuances remarquablement belles.


Une autre application très importante et qui s’est rapidement développée dans l’industrie des boissons, est celle que M. Laurent Naudin a réalisée : nous voulons parler de la rectification des alcools mauvais goût au moyen des courants électriques.

Le mauvais goût que possèdent les résidus d’alcool, après la distillation, ainsi que certains alcools bruts, est dû, en grande partie, à la présence dans le liquide d’une certaine quantité d’éthers, ou d’aldéhydes, de la série grasse.

Or, les aldéhydes sont des alcools déshydrogénés, et il suffit de leur fournir, par l’emploi du courant, un équivalent supplémentaire d’hydrogène, pour les transformer de nouveau en alcools bon goût.

L’hydrogénation des flegmes est obtenue par M. Naudin, en les mettant en contact avec une pile spéciale, qui jouit de la propriété de décomposer l’eau pure, avec dégagement d’hydrogène et qui absorbe l’oxygène sous forme d’oxyde de zinc hydraté. Cette pile se compose de lames de zinc recouvertes de cuivre précipité chimiquement.

Les alcools à purifier sont lancés par une pompe, dans la cuve qui contient la pile, laquelle fournit un courant continu jusqu’à ce que l’opération soit terminée.

Alors que les procédés par distillation donnaient, en alcool, des rendements de 45 pour 100, la méthode de M. Naudin permet d’en recueillir plus de 80 pour 100 ; encore la qualité des produits obtenus est-elle sensiblement supérieure à celle des alcools bon goût ordinaires.

Pour la rectification des eaux-de-vie de pomme de terre et de betterave, le procédé ordinaire n’est plus suffisant, et il faut avoir recours à l’emploi d’électrolyseurs spéciaux, dont l’action est beaucoup plus énergique ; mais il suffit, dans tous les cas, pour obtenir des liquides à un degré de pureté suffisant.

Les premiers essais de M. Naudin ont été faits dans l’usine de M. Boulet, à Bapeaume-lez-Rouen. Dans cette usine on a reconnu qu’un appareil Naudin permet de transformer en alcool bon goût 200 hectolitres de flegmes, dans l’espace de 24 heures.

On voit, par ce seul exemple, à quelle production colossale peut atteindre une usine utilisant les procédés de M. Naudin.