Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 5.djvu/253

Cette page a été validée par deux contributeurs.

deux récipients : le premier destiné à contenir la matière fusante, le second servant d’accumulateur des gaz. Malheureusement, par une fatale idée, ils avaient remplacé le papillon primitif, qui se manœuvrait de l’extérieur, à l’aide d’un levier, par une valve intérieure, pourvue d’un volant à vis. Cette modification fut la cause de la catastrophe.

La yole était montée par M. Buisson, qui se tenait à l’accumulateur, par M. Ciurcu, qui manœuvrait le générateur de gaz, et par un jeune homme que l’on avait pris à Asnières et qui tenait le gouvernail depuis l’avant, au moyen de deux cordelettes, ou tireveilles.

Pour faire marcher le bateau, M. Buisson mit le feu aux produits explosifs. Mais il lui fut impossible de faire manœuvrer la valve du récipient. La pression dans les deux cylindres atteignit, dès lors, très rapidement une tension formidable : plus de 20 atmosphères (soit près de 100 000 kilogrammes). La machine éclata, le générateur de bronze vola en éclats, tua le pilote, et blessa mortellement M. Buisson. Quant à l’embarcation, elle fut mise en pièces. M. Ciurcu seul échappa à la mort, grâce au manomètre qui lui indiquait la tension excessive des gaz ; ce qui lui permit de se jeter à temps de côté. Il en fut quitte pour tomber à l’eau, avec de fortes brûlures.

Quant au jeune pilote d’Asnières, on n’en retrouva pas une trace : il fut escamoté, suivant l’expression de M. Ciurcu, dans la relation qu’il a donnée de l’accident.


Nous venons de décrire les divers types de bâtiments, ou bateaux de plaisance, depuis le modeste canot à vapeur, portant une ou deux personnes, jusqu’aux grands yachts à vapeur, au nombreux équipage, et dont l’entretien exige des fortunes princières, en passant par toute une série de bateaux des tonnages les plus divers. La construction de ces navires et de ces embarcations à voile ou à vapeur constitue une branche nouvelle et spéciale de l’art des constructions navales, et représente un chiffre considérable de travail et de capitaux.

Nous ne terminerons pas ce qui concerne le sport nautique, sans faire remarquer qu’il y a une grande rivalité entre les partisans du yachting à la voile et du yachting à vapeur. La navigation de plaisance à voile compte beaucoup d’amateurs passionnés, qui ne cachent pas leur dédain pour le sport à vapeur. La vérité est entre l’une et l’autre opinion. Sans doute, la navigation à la voile procure tous les plaisirs et toutes les émotions de la mer, en même temps qu’elle exerce utilement les forces musculaires, par le mouvement en plein air et l’emploi d’une grande somme d’activité physique. Mais le yacht à vapeur réunit en sa faveur bien des avantages. Un yacht à vapeur est assurément beaucoup plus cher qu’un yacht à la voile, et son entretien est fort coûteux. Mais quelle facilité il offre à la navigation de plaisance ! Les marées, les vents contraires, les calmes prolongés, qui arrêtent la navigation à la voile, ne suspendent pas un seul moment la marche d’un yacht à vapeur. Souvent, un yacht à voile est immobilisé, en pleine Méditerranée, pendant des semaines entières ; et celui qui se voit condamné à rester en panne, sous un soleil de feu, avec des vivres en quantité insuffisante, regrette souvent que son cotre ou sa goélette ne puisse se transformer en un yacht à vapeur, qui le soustrairait à cette situation pénible.

En résumé, le sport nautique à la voile convient aux jeunes hommes qui aiment la vie à la mer et l’existence du matelot, à ceux qui se plaisent à exécuter les manœuvres du bord, à se mouiller d’eau salée, à briser leurs membres, pour se préparer aux jours solennels des fêtes et des luttes des régates. Au contraire, le sport nautique