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lotte, c’est-à-dire la masse des acides gras qui surmonte les bougies moulées.

Quand les moules sont refroidis, on ôte la cheville qui retient chaque mèche, et, saisissant à deux mains la masselotte, on retire d’un seul coup toutes les bougies. On casse la masselotte, et l’on obtient la bougie. Les déchets et la masselotte sont renvoyés à la fonte.

Les bougies moulées ne seraient pas assez blanches. On les blanchit en les exposant à l’air et à la lumière. On les dispose une à une, sur des grillages, et on les abandonne ainsi, pendant une ou deux semaines, à l’action de l’air. La lumière détruit le principe colorant brun qui existait dans la matière grasse, et l’air s’interposant entre les particules cristallines de la substance, la rend moins transparente et la fait ainsi paraître plus blanche[1].

Les bougies sont, après cette exposition à l’air, un peu salies par des corps étrangers. Pour les nettoyer, il faut les laver dans une dissolution de carbonate de soude, puis les placer sur une toile sans fin : le frottement mutuel de ces petits cylindres achève leur nettoyage.

Mais pour communiquer à la bougie le lustre et le poli tout particuliers qu’on lui connaît, il faut faire usage d’une machine que rien ne peut remplacer, la machine à polir et à rogner les bougies, inventée par M. Binet.

La figure 58 représente, en coupe, cette machine.

Les bougies sont placées horizontalement dans une caisse M. Un rouleau N, muni de cames, les fait arriver au devant d’une scie circulaire, P, qui les rogne. De là elles tombent sur un drap de laine sans fin, supporté par de petits rouleaux V, V, V, V et de plus grands T, T′, et passant sous les cylindres ou tambours, S, S′, S″ Pendant que le drap de laine circule, trois gros tambours S, S′, S″, recouverts d’un drap semblable, sont mus dans le sens horizontal par les trois pignons des roues dentées R, R′, R″. Les bougies, roulant sur elles-mêmes, avancent ainsi sous cette double impulsion, et elles arrivent au dernier rouleau, d’où elles tombent dans le récipient B. Ainsi frottées longitudinalement durant tout leur trajet entre deux draps de laine, les bougies sont parfaitement polies et lustrées quand elles tombent dans le récipient B, où on les prend pour les mettre en paquets.

Telle est la série d’opérations nécessaires pour confectionner les bougies d’acide stéarique, extrait des corps gras de diverses provenances.

Peu d’industries ont été favorisées d’un succès aussi complet et aussi rapide que la stéarinerie, comme on l’appelle quelquefois. Destinée à remplacer la bougie de cire, la bougie stéarique a, comme on le sait, atteint ce but d’une manière absolue, car on ne confectionne plus aujourd’hui une seule bougie de cire pour l’éclairage des salons.

Sous le rapport de l’élégance, de la propreté et de tous les avantages de ce genre, la bougie stéarique ne laisse rien à désirer ; on regrette seulement la faible intensité de son pouvoir éclairant. Ce défaut provient surtout de la suppression, que font aujourd’hui nos fabricants, d’une certaine quantité de cire, que, dans l’origine, on ajoutait aux acides gras, au moment de les couler dans les moules pour confectionner les bougies. Cette addition de cire, qui était, au premier temps de la fabrication, de 25 à 30 pour 100, a été ensuite réduite à 10, plus tard à 5, et enfin entièrement supprimée. On a pu, de cette manière, abaisser le prix de la bougie, et satisfaire aux exigences du public sur le prix de ce genre d’éclairage. La bougie stéarique est donc moins chère qu’autrefois, mais elle éclaire beaucoup moins. Pour compenser la dimi-

  1. On n’ignore pas que les bougies conservées trop longtemps dans des armoires, ou dans un appartement, jaunissent. Pour les décolorer, il suffit de les exposer pendant quelques jours, à l’air et à la lumière.