Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE XII

m. de milly crée l’industrie de la fabrication des acides gras. — procédés imaginés par m. de milly pour la préparation de l’acide stéarique.

Après les deux tentatives infructueuses de MM. Gay-Lussac et Chevreul, d’une part, de M. de Cambacérès, de l’autre, l’application des acides gras à l’éclairage semblait ne devoir jamais fournir des résultats industriels. Cette fabrication fut donc abandonnée. C’est dans ces circonstances, et cinq années après la délivrance du brevet de M. Chevreul, que M. de Milly commença à s’occuper de la production manufacturière des acides gras, et à poser les premiers fondements d’une industrie qui devait prendre en France et à l’étranger un développement extraordinaire.

M. de Milly était, avant la révolution de 1830, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi Charles X. La chute de la branche aînée des Bourbons lui ayant ravi son avenir, il se voua à une existence nouvelle et indépendante. Il profita des connaissances qu’il avait acquises pour entrer dans la carrière industrielle, et, secondé par un de ses amis, M. Motard, docteur en médecine, il commença à s’occuper de la fabrication industrielle des acides gras. M. Chevreul avait découvert l’acide stéarique, M. de Milly entreprit d’en établir la production sur des bases économiques.

C’est en 1831, époque à laquelle on avait renoncé à tout essai de fabrication des bougies stéariques, que M. de Milly commença cette tâche ardue. Quoique les difficultés d’une telle entreprise fussent graves et nombreuses, il ne se laissa pas rebuter, et en quelques années, il parvint à élever l’industrie stéarique sur des bases définitives et durables.

La première usine de M. de Milly fut établie près de la barrière de l’Étoile, à Paris : de là le nom de bougie de l’Étoile, qu’a reçu et que porte quelquefois encore, en France, la bougie stéarique.

La découverte la plus importante de M. de Milly, celle qui permit de procéder tout aussitôt industriellement à la fabrication des acides gras, fut la substitution de la chaux à la soude caustique, pour la saponification du suif. L’emploi des alcalis caustiques, proposé pour cette opération, par MM. Gay-Lussac et Chevreul, était, comme nous l’avons dit plus haut, impraticable industriellement. La chaux, matière à vil prix, substituée à la dissolution caustique, détermina véritablement la création de l’industrie stéarique. Traité par la chaux, le suif donne un savon calcaire, lequel, décomposé ensuite par l’acide sulfurique, laisse en liberté les deux acides gras, stéarique et oléique. Par la pression, exercée d’abord à froid, ensuite à chaud, on sépare, sans aucune difficulté, l’acide stéarique concret de l’acide oléique liquide.

Mais la combustion des bougies formées d’acides gras, présentait une difficulté particulière. La chaux employée dans la fabrication, restait retenue en très-petite quantité, dans l’acide stéarique. Pendant la combustion de la bougie, elle se réunissait et s’accumulait sur la mèche ; engagée entre les fils, elle finissait, en diminuant la capillarité, par engorger la mèche, et la combustion languissait. M. de Cambacérès, qui avait, le premier, reconnu cet obstacle, avait essayé d’y parer en immergeant préalablement, comme nous l’avons dit, les mèches dans l’acide sulfurique ; mais le coton était corrodé par cet acide. C’est M. de Milly qui imagina le moyen employé aujourd’hui pour débarrasser la mèche de la chaux provenant des opérations de fabrique, comme aussi des cendres laissées par la combustion du coton. Avant d’être placée dans la bougie, la mèche est immergée dans une dissolution d’acide borique. Pendant la combustion, cet acide joue le rôle suivant. À mesure que le corps gras brûle, et laisse des cendres, l’acide borique,