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Il est vraiment impossible d’imaginer une force motrice plus commode dans son emploi, plus simple dans la pratique. C’est l’idéal du moteur qui entre dans l’usine pour y accomplir un travail, et qui s’en échappe sans laisser sur son passage d’autres traces que l’impulsion dont il a animé l’atelier. Nous insistons sur cette particularité, car c’est là, à nos yeux, ce qui domine parmi les avantages du moteur à gaz.

En résumé, avec le moteur à gaz, aucune chaudière, aucun foyer, aucun approvisionnement de combustible à faire, pas une minute à perdre pour la mise en train, aucun temps d’arrêt, et, avantage bien rare, aucune dépense pendant l’inaction de l’appareil.

Dans l’énumération des qualités de la machine Lenoir, il a été émis un aperçu inexact, que nous nous permettrons de rectifier en passant. On a dit que cette machine supprimerait le combustible. Plus de charbon, plus de combustible ! s’est-on écrié à ce propos ; et l’on n’a pas manqué de faire remarquer quelle influence heureuse cette circonstance devait exercer sur l’industrie moderne, en assurant la conservation de nos houillères, ce grand réservoir de notre activité manufacturière, cette mine précieuse dont on redoute l’appauvrissement. On oubliait, dans cette naïve considération, que le combustible n’est point, tant s’en faut, supprimé par la machine Lenoir. C’est avec la houille qu’est obtenu le gaz de l’éclairage, et ce qui est pire, avec de la houille employée tout à la fois et comme combustible et comme source du gaz. La conservation de nos houillères n’est donc pas un argument à invoquer en faveur de cette machine. Si quelque chose, au contraire, doit hâter l’épuisement de nos gisements houillers, c’est certainement cette nouvelle machine, en la supposant adoptée dans les deux mondes. Le moteur à gaz se recommande par des avantages assez réels pour qu’on n’aille pas invoquer en sa faveur des considérations erronées. Ce qu’il fallait dire, ce qui est seul vrai, c’est que le point de consommation de la houille sera déplacé. Au lieu de brûler du charbon dans le foyer d’une chaudière à vapeur, on en brûlera à peu près la même quantité sous les cornues servant à la préparation du gaz. Le propriétaire du moteur n’aura pas, il est vrai, à s’embarrasser de brûler du charbon ; c’est l’usine à gaz qui se chargera de cet office ; mais, pour être déplacée quant au lieu de l’opération, la consommation de la houille ne diminuera pas pour cela ; elle augmentera, au contraire, puisqu’il faudra consacrer à la préparation du gaz hydrogène bicarboné de prodigieuses quantités de charbon de terre, si jamais le moteur à gaz se substitue partout à la machine à vapeur. L’axiome ex nihilo nihil est aussi vrai pour les sciences physiques que pour la philosophie. C’est là une considération qu’il est peut-être superflu de rappeler à beaucoup de nos lecteurs ; mais l’esprit public prend si aisément le change en de telles questions, que l’on nous excusera de rappeler des principes élémentaires.

La pratique pendant dix années du moteur Lenoir a donné une solution avantageuse du problème de la distribution des petites forces à domicile. Aujourd’hui, la petite industrie est très-mal partagée quant à la main-d’œuvre. La machine à vapeur, qui rend tant de services dans les grandes usines, ne peut seconder le travail du petit industriel, de l’ouvrier à domicile. C’est en vain que l’on a essayé de mettre à la disposition des petites industries et des ateliers fournis d’un très-faible personnel, un agent moteur susceptible d’être fractionné. On a espéré un moment que l’électricité, c’est-à-dire les machines électro-magnétiques, permettraient d’envoyer à domicile ces fractions de force, qui suppléeraient avec avantage à l’insuffisance ou aux embarras du travail manuel. On a également songé à utiliser,