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et du foyer, moyens qui ont paru jusqu’ici indissolublement liés à l’emploi d’un moteur. Supprimer la chaudière à vapeur dans une usine, c’est simplifier, dans une mesure extraordinaire, tout ce qui concerne le service mécanique de cette usine. Nous ne dirons pas, avec quelques-uns de ceux qui ont écrit sur le moteur à gaz, qu’avec cette nouvelle machine motrice les explosions ne seront plus à craindre. Il ne nous est pas démontré que l’introduction, en proportions convenables, de l’air et du gaz inflammable, soit toujours assez rigoureusement assurée pour qu’il ne se forme pas accidentellement, à l’intérieur du cylindre, un mélange détonant qui fasse sauter l’appareil. Mais les malheurs résultant de l’explosion possible d’un moteur à gaz seraient hors de proportion avec les désastres qu’occasionne toujours la rupture d’une chaudière à vapeur. Quand un générateur à vapeur éclate, on voit se produire des phénomènes de projection mécanique d’une violence effroyable, et dont on peut se faire une idée en considérant la prodigieuse quantité de vapeur qui doit s’élancer en un instant de l’énorme volume d’eau accumulé dans la chaudière. Dans l’explosion d’un moteur à gaz, tout se réduirait à la fracture du cylindre, ce qui n’occasionnerait qu’un désastre local. Il y aurait ici la différence qui existe entre les effets comparés de l’explosion d’une mine et d’un canon : la mine emporte tout, le canon ne tue que l’artilleur servant la pièce.

Un avantage certain de l’adoption du nouveau moteur, c’est le peu d’espace que demande son installation. On n’a plus à se préoccuper de l’emplacement considérable qu’exige l’établissement de vastes foyers et de cheminées, aussi bien que de l’emmagasinement du combustible. Si cette considération est quelquefois d’une importance secondaire pour les ateliers et les usines, elle est fort sérieuse, au contraire, quand il s’agit des bateaux à vapeur, dans lesquels l’emplacement exigé pour les chaudières et la provision de houille absorbe quelquefois les deux tiers du navire, et diminue dans une très-grande proportion les bénéfices du fret.

Une autre conséquence de la suppression de la chaudière et du foyer, c’est la disparition de la fumée, cet ennemi tant poursuivi, surtout dans les usines installées au milieu des villes. Depuis vingt ans, on s’occupe de la question des foyers fumivores, et de tous les moyens proposés, tant en Angleterre qu’en France, aucun n’a été définitivement admis dans la pratique ; si bien que les règlements d’administration qui, à Paris et à Londres, enjoignent aux usines de brûler leur fumée, n’ont pu recevoir leur application, en l’absence constatée de moyens propres à atteindre économiquement ce but. Le problème de la fumivorité serait ici résolu : on supprimerait la fumée des combustibles, puisqu’on supprimerait la cheminée et le foyer.

La simplicité de ce nouveau moteur est peut-être sa qualité principale. Pour distribuer la force dans un atelier mécanique, pour mettre en action sur l’heure les machines et les outils, que faut-il faire ? Tourner un robinet, le robinet du gaz d’éclairage qui traverse la rue. On n’a pas à s’inquiéter de cet agent moteur, il circule sous le pavé, il est à notre porte, il entre ou s’arrête à notre commandement ; il agit ou s’interrompt, comme on allume ou comme on éteint une bougie. Bien plus, au moyen du compteur, il se mesure lui-même ; le volume dépensé est enregistré tout aussitôt. Ajoutons que cet agent moteur si commode, si peu embarrassant pour la mise en train du travail, n’est pas plus gênant une fois le travail accompli. Après avoir exercé son action mécanique, il disparaît sans laisser de traces, sans occasionner d’encombrement ou d’embarras : de l’acide carbonique et de la vapeur d’eau, voilà tous les résidus que laisse cet agent moteur, qui, entré dans l’atelier à l’état de gaz, en sort sous la même forme.