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économiques, et de tous les côtés, c’est une émulation générale pour réformer ou détrôner entièrement, si on le peut, le moteur qui a fait tant de prodiges et excité une si juste admiration depuis le commencement de notre siècle. On a trouvé que perdre la vapeur quand elle a produit son action, la rejeter dans l’air, comme dans les machines sans condenseur, ou liquéfier cette vapeur, pour jeter à la rivière l’eau chaude résultant de sa condensation, était un contre-sens physique, et l’on s’est mis à chercher un succédané à ce classique et héroïque moteur.

Un moment l’électricité a paru devoir prendre la place de la vapeur ; mais on n’a pas tardé à reconnaître le peu de fondement d’un tel espoir, en voyant l’insignifiance des effets mécaniques développés par l’électromagnétisme.

On a songé ensuite à utiliser l’explosion de la subite conversion de certains liquides, ou gaz, comme l’acide carbonique et le chlorure de carbone, ou la combustion de la poudre-coton sous un cylindre, selon le principe de Huyghens. Puis, sont venues les machines à vapeurs combinées, dans lesquelles, au lieu de perdre, en la rejetant dans l’air, la vapeur sortant du cylindre, on emploie cette vapeur, encore chaude, à volatiliser de l’éther, dont la vapeur produit une action mécanique, qui vient s’ajouter à l’effet de la vapeur d’eau. Toutes ces tentatives n’ont laissé, en définitive, rien de sérieux dans la pratique. Après quelques essais, plus ou moins heureux, les machines reposant sur ces principes ont été abandonnées. Seules, les machines à air chaud ont été plus heureuses. Grâce à la persévérance de l’ingénieur américain Ericsson, la machine à air chaud a surnagé, dans ce déluge d’inventions qui sont apparues avec la prétention de se substituer à la machine à vapeur. En France, divers essais de machines à air chaud ont été poursuivis et le sont encore tous les jours. Nous pourrions citer les noms de vingt mécaniciens qui se sont consacrés à la solution de ce problème et qui s’en occupent encore avec ardeur.

Le moteur à gaz de M. Lenoir est venu, nous le répétons, résoudre le problème des machines à air chaud, et cela par un artifice et un détour bien inattendus. Dans les machines à air chaud d’Ericsson et d’autres ingénieurs français, l’air est dilaté dans un cylindre muni d’un piston, au moyen d’un foyer qui chauffe ce cylindre à l’extérieur. Ici, l’air est chauffé directement à l’intérieur du cylindre, par l’inflammation d’un gaz combustible.

C’est là, d’ailleurs, un avantage immense. Le vice capital des machines à air chaud, c’était l’action directe du foyer sur le cylindre à vapeur. Le feu appliqué à nu sur un cylindre métallique, voilà une disposition désastreuse ; le métal est oxydé, déformé, grippé par le feu, et bientôt l’appareil est hors d’état d’agir. C’est par là qu’ont échoué toutes les machines à air chaud. Or, dans le moteur à gaz, l’altération du cylindre par le feu n’est plus à craindre. En effet, la température du gaz qui brûle à l’intérieur du cylindre n’est jamais considérable, et le courant d’eau qui le parcourt à l’extérieur, s’empare à chaque instant de cet excès de calorique. Nous avons vu un cylindre de ce moteur à gaz qui, après avoir fonctionné deux mois, était aussi intact que s’il sortait du tour d’alésage.

Ainsi le moteur à gaz nous paraît une solution aussi heureuse qu’inattendue du problème, tant poursuivi, des machines à air chaud. Mais quels sont les avantages particuliers, la destination propre de ce nouveau moteur ? que faut-il attendre de ses services pour l’avenir de l’industrie ? C’est ce qu’il convient maintenant d’examiner.

L’avantage essentiel du moteur à gaz réside dans la suppression de tout foyer. Cette machine n’est assurément pas économique, mais de nombreux avantages pratiques doivent résulter de la suppression de la chaudière