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80 chevaux, qui pousse la compression de l’air jusqu’à 12 atmosphères. Il est divisé, dans le sens de sa longueur, en deux compartiments, renfermant, l’un la machine, l’autre de vastes réservoirs destinés à emmagasiner l’air comprimé. Au-dessous de ces réservoirs, s’en trouvent d’autres, dans lesquels on introduit de l’eau quand il s’agit de s’enfoncer. Pour remonter on met ces mêmes réservoirs en communication avec les premiers, on chasse l’eau par l’air comprimé, et le bâtiment remonte à la surface. À l’arrière sont placés une hélice, un gouvernail vertical et deux gouvernails horizontaux qui aident à la descente ou à l’ascension, suivant l’inclinaison qu’on leur donne. Un mécanisme spécial permet, en outre, à la partie supérieure de la carapace de se détacher et de se transformer en canot pouvant recevoir les douze hommes de l’équipage, en cas d’accident.

Ce navire sous-marin pèche par le défaut de stabilité quand il flotte entre deux eaux ; à tous les autres égards il est parfaitement conçu. À la suite des expériences de 1863, M. Bourgois a repris ses études, il y a tout lieu d’espérer que le Plongeur, convenablement perfectionné, deviendra un excellent type pour des essais postérieurs dans la même direction.

Pour faire mieux connaître le Plongeur du contre-amiral Bourgois, nous emprunterons une page à un ouvrage publié en 1868, le Fond de la mer, par M. Léon Renard, bibliothécaire du Dépôt des cartes et plans de la marine.

« Si le problème n’a pas été résolu avec ce bateau, on peut affirmer que, de tous ceux qui ont été imaginés, c’est celui qui a touché de plus près la vérité. Et d’abord le principe sur lequel il repose est tout nouveau ; son moteur est l’air comprimé. Les dimensions fixées par M. Bourgois, de concert avec le constructeur du bateau, M. Brun, ingénieur de la marine, sont de 44 mètres. Il a la forme d’un cigare[1] qui serait aplati sur le tiers de sa circonférence. Son arrière est évidé de manière à contenir une hélice, un gouvernail vertical et deux gouvernails horizontaux, qui servent, suivant l’inclinaison qu’on leur donne, à faciliter l’immersion du bateau ou son retour à la surface. Intérieurement, on remarque une coursive courant de l’avant à l’arrière et divisant ainsi le bateau en deux parties qui renferment : la première, une machine à air comprimé, de 80 chevaux ; la seconde, de vastes réservoirs en forme de tubes dans lesquels s’emmagasine cet air, qui est comprimé à 12 atmosphères. Immédiatement au-dessous de ces compartiments, on en a placé d’autres chargés de recevoir l’eau qui sert de lest au bateau et aide à son immersion. Pour chasser cette eau et rendre au bâtiment sa légèreté, il suffit de mettre ces tubes en communication avec ceux qui contiennent l’air comprimé. Ajoutons que le Plongeur est doué en outre d’un mécanisme particulier à l’aide duquel sa carapace supérieure peut se détacher et du même coup se transformer en canot de sauvetage pour l’équipage, lequel est de douze hommes.

« Lancé en mai 1863, ce bâtiment devint aussitôt l’objet d’une série d’expériences sur la Charente, dans le bassin de Rochefort et en pleine mer, sous la direction de MM. Bourgois et Brun. Ces expériences ont permis de constater que la construction du navire ne laissait rien à désirer et que tout avait été prévu. Restait la question de stabilité, d’équilibre entre deux eaux. Celle-ci n’a malheureusement pas donné les résultats qu’on espérait, et M. Bourgois a dû reprendre ses études dans ce sens.

« Deux faits d’une haute importance restent en tout cas acquis à la pratique : la possibilité de l’emploi de l’air comprimé comme moteur, et celle de faire vivre sans inconvénient douze hommes sous l’eau pendant un espace de temps suffisamment considérable. Le reste sera trouvé plus tard, et, dès aujourd’hui, on doit savoir gré à M. Bourgois d’avoir ramené d’un seul coup les esprits qui s’égaraient et de leur avoir montré le seul chemin où ils aient désormais quelque chance de réussite. « Tel quel, le

  1. Cette forme nouvelle est appelée, croyons-nous, à un grand avenir, par suite de la stabilité qu’elle donne sur l’eau.

    En passant à la remorque de la Vigie, devant le canal qui sépare l’île de Ré de celle d’Oléron, nous disait un officier témoin des expériences du Plongeur, la mer était creuse et le remorqueur roulait de manière à ne pas permettre de marcher sans appui sur le pont. Le Plongeur, au contraire, dont les compartiments étaient vides, et qui, par suite, s’élevait d’un pied au-dessus de l’eau, ne bougeait pas, la lame passait par-dessus, et l’équipage se promenait dans l’intérieur comme en terre ferme. »

    Le fait frappa les Américains. En 1864, l’un d’eux, M. Winam, a lancé sur la Tamise un bateau long de 78 mètres, qui a tout à fait la forme du Plongeur. À chacune de ses extrémités, il a une hélice : celle de l’arrière, pour refouler l’eau ; celle de l’avant, pour l’attirer et s’y visser en quelque sorte. Son inventeur assure qu’il se comporte très-bien à la mer, soit que la vague déferle sur sa carapace, comme sur celle d’une baleine, soit qu’il saute dessus comme un marsouin »