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dant la fusion, retiennent emprisonnée une quantité notable de matière grasse. On la retrouve en jetant ces crettons dans une chaudière chauffée, qui en fait écouler la plus grande partie à l’état de liquide ; puis on porte le résidu à la presse.

Cependant les graillons, même après l’action de la presse, retiennent encore 5 à 6 pour 100 de suif. Ce résidu est excellent pour l’engraissement des bestiaux.

Quelques fabricants, après avoir fondu le suif une première fois, le purifient en le refondant avec de l’eau, et en y projetant un peu de sel marin, d’alun ou de tartre. On sépare, avec une écumoire, les impuretés qui se réunissent à la surface du bain. On puise ensuite le suif purifié, et on le laisse refroidir lentement dans un panier très-serré, où il s’égoutte. Avant de l’employer, on le fond une troisième fois, et on le maintient fondu, jusqu’à ce que toute l’eau qu’il peut retenir encore ait complètement disparu. Sans cette précaution, les chandelles fabriquées avec ce suif humide, couleraient et brûleraient en pétillant.

Tel est le moyen qui est encore suivi dans la plupart des pays de l’Europe, pour préparer les suifs destinés à la confection des chandelles. Un procédé plus savant, dû au chimiste d’Arcet, est suivi dans les villes manufacturières au courant du progrès industriel : c’est la fonte à l’acide.

Les crettons retiennent, avons-nous dit, malgré les meilleurs moyens d’expression, 5 à 6 pour 100 de graisse. D’un autre côté, les suifs chauffés à feu nu, répandent aux alentours de la fabrique, une odeur infecte, qui est même parfois dangereuse pour les habitants du voisinage. C’est pour remédier à ces inconvénients que le chimiste d’Arcet inventa, en 1820, la fonte des suifs à l’acide.

D’Arcet reconnut que l’acide sulfurique étendu d’eau, chauffé avec le suif en branches, dissout toutes les matières animales, en laissant surnager le suif parfaitement pur et non altéré.

Voici comment l’opération s’exécute. On se sert d’une chaudière autoclave, c’est-à-dire exactement fermée, et ne laissant pas échapper la vapeur au dehors. Dès lors, nous n’avons pas besoin de le dire, les parois de cette chaudière doivent être extrêmement résistantes. On remplit cette chaudière de 1 000 kilogrammes de suif en branches, que l’on arrose avec 10 kilogrammes d’acide sulfurique, étendu dans une quantité d’eau, qui varie de 200 à 500 litres, selon la qualité du suif. On ferme la chaudière ; puis on y dirige un courant de vapeur, qui entretient le liquide intérieur à la température de l’ébullition. On laisse agir l’acide bouillant pendant plusieurs heures. La température s’élève souvent dans cet espace clos, à 105 ou 110 degrés. Les membranes animales se dissolvent dans la liqueur acide, le suif se sépare, et vient former une couche au-dessus du bain acide. À la partie inférieure du liquide aqueux, se dépose une très-faible quantité de chairs, plus ou moins altérées. On retire de la chaudière le suif fondu, au moyen d’un robinet placé sur un côté de cette chaudière, et qui communique avec un tube à genouillère, dont l’extrémité aboutit à un flotteur assez léger pour se maintenir toujours à la séparation des deux couches liquides. Le suif liquide est dirigé de là, dans une vaste cuve, de 2 à 3 mètres cubes, en bois doublé de plomb, où il se refroidit. Quand il est au moment de se solidifier, on le verse dans les tinnes.

Grâce à ce procédé, on retire du suif en branches 85 pour 100 de suif fondu très-blanc ; tandis que la fonte du suif à feu nu, ne donne que 80 pour 100 d’un suif souvent coloré.

Ce procédé présente néanmoins un inconvénient sérieux. Les graillons étant imprégnés d’acide sulfurique, n’ont plus de valeur, car ils ne peuvent servir à engraisser