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pieux. Mais des plongeurs, envoyés par les assiégeants, sapèrent cet ouvrage par la base, et la ville eût succombé sans l’intervention des Lacédémoniens, qui arrivèrent fort à propos pour leur porter secours et contraindre les Athéniens à la retraite.

La même chose se passa au siége de Tyr par Alexandre le Grand ; mais les plongeurs appartenaient cette fois au peuple assiégé. Alexandre avait ordonné l’exécution d’une digue immense, qui reliait la côte asiatique à une île voisine ; mais d’habiles plongeurs phéniciens, armés de longs crochets, empêchèrent absolument la réalisation de ce projet. À mesure que le travail avançait, ils entraînaient les arbres et les pierres amoncelés, et désagrégeaient de telle sorte les entassements péniblement formés, que le moindre coup de mer suffisait pour tout enlever. Ils coupèrent aussi les câbles des vaisseaux ennemis, et forcèrent Alexandre à les remplacer par des chaînes.

Dionysius Cassius rapporte que les Byzantins usèrent d’un stratagème analogue pour porter le trouble dans la flotte de Septime Sévère, qui bloquait la capitale de l’Empire d’Orient. Des plongeurs, dirigés par l’ingénieur Priscus, allèrent trancher les câbles des galères romaines ; puis ils attachèrent aux mêmes navires d’autres câbles, sur lesquels agissait la population de Byzance, assiégée pour les amener au rivage, « en sorte, dit l’historien, que ces bâtiments semblaient déserter d’eux-mêmes la flotte de l’empereur. » De là, grande frayeur parmi les soldats romains.

Les plongeurs ne furent pas toujours employés à des exercices aussi périlleux. Plutarque nous a transmis le récit d’une scène dans laquelle ils jouèrent un rôle assez comique. C’est un des nombreux épisodes de la liaison du triumvir Antoine avec la séduisante Cléopâtre.

Il paraît que le général romain avait quelque penchant pour la pêche à la ligne et qu’il se livrait parfois à ce passe-temps bourgeois, en compagnie de la souveraine de l’Égypte. Malheureusement, le sort ne le favorisait pas plus que les simples mortels, et il lui arrivait, à peu près régulièrement, de ne rien prendre, ce dont il était « fort despit et marry », dit Amyot, traducteur de Plutarque.

C’est alors que Marc Antoine eut l’idée de corriger la fortune par l’ingénieux moyen que voici. Chaque fois qu’il jetait la ligne, il envoyait un de ses plongeurs attacher un beau poisson à son hameçon, et il fit ainsi plusieurs prises superbes en présence de Cléopâtre. Celle-ci découvrit immédiatement l’artifice ; mais, femme et reine, elle avait depuis longtemps appris l’art de dissimuler. Elle ne laissa donc rien paraître, et complimenta Antoine sur son habileté. En revanche, elle conta la chose à ses courtisans, et les invita à revenir le lendemain, pour être témoins de la surprise qu’elle préparait au général romain.

Personne n’eut garde de manquer au rendez-vous.

Antoine ayant jeté sa ligne, Cléopâtre ordonna à l’un de ses esclaves de se précipiter dans le Nil avant le plongeur de son amant, et d’attacher à l’hameçon flottant dans l’eau un vieux poisson salé. Antoine tira sa ligne, se croyant sûr de son fait. Mais au lieu d’un poisson fraîchement extrait des ondes, il n’amena au bout de son fil qu’un poisson de conserve (fig. 393).

« Et adonc, comme on peut penser, poursuit Amyot, tous les assistants se prirent bien fort à rire, et Cléopâtre en riant lui dit : « Laisse-nous, seigneur, à nous autres Égyptiens, habitants de Pharos et de Canobus, laisse-nous la ligne ; ce n’est pas ton métier ; ta chasse est de prendre et conquérir villes et cités, pays et royaumes. »

Au 1er siècle de l’ère chrétienne, nous voyons les plongeurs encore fort appréciés pour les besoins de la guerre, dans les pays du Nord. Un vieux recueil raconte que, sous le règne de Frothon III, roi de Danemark, une flotte fut envoyée par le roi de Suède contre