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ble, comprise entre deux couches voisines, mais seulement un filet d’eau retenu dans l’épaisseur d’une couche perméable, à un endroit où existent des fissures. De pareilles crevasses n’existant point dans le massif le plus proche de la même couche, on ne doit point s’étonner de n’y pas rencontrer d’eau. Il suffirait de pousser le forage plus loin pour que le liquide jaillît en toute certitude.

Dans certaines localités, on peut rapprocher impunément les puits forés sans amoindrir leur débit ; mais il en est d’autres où l’on ne perce un puits nouveau qu’au détriment des anciens, soit que leur niveau baisse, soit que leur produit diminue. Quelle est la raison de ces différences ?

Elle gît tout entière dans l’étendue de la nappe souterraine, comparée au diamètre des puits. Si cette nappe est très-vaste, la pression de l’eau ne variera pas sur les orifices inférieurs des différents puits, quel qu’en soit le nombre ; dans le cas contraire, la pression diminuera en chaque point, et chaque puits donnera moins d’eau, ou bien son niveau baissera, à mesure qu’on exécutera un nouveau forage.

Des oscillations fort bizarres ont été observées dans un puits artésien creusé à la Rochelle, près du bord de la mer, et dont la profondeur est de 190 mètres. La colonne liquide n’ayant pas jailli à la surface du sol, mais se maintenant 7 mètres plus bas, on tenta, en 1833, après une période de quatre années, de pousser le forage un peu plus avant, dans l’espérance d’arriver à un succès complet. C’est alors que se produisirent des variations considérables dans le niveau de l’eau.

Le 1er septembre, abaissement de 48 mètres ; le 2, nouvel abaissement de 3 mètres ; le 3, l’eau commence à remonter ; le 2 octobre, elle a repris son ancien niveau ; le 3, elle redescend ; le 4, elle a baissé de 10 mètres ; du 5 au 14, elle remonte de 3 mètres ; du 14 au 18, baisse énorme de 47 mètres ; du 19 octobre au 13 novembre, ascension de 38 mètres ; du 14 novembre au 16, abaissement de 5 mètres ; du 16 novembre au 15 décembre, ascension de 11 mètres.

On se perd en conjectures sur la cause de ces oscillations aussi subites qu’irrégulières.

Un phénomène qu’on n’a pas expliqué davantage, c’est celui qui a été observé près de Coulommiers, en 1827, à une époque d’extrême sécheresse. Bien que la plupart des sources fussent taries, le niveau de l’eau monta de 60 centimètres dans deux puits artésiens appartenant à une papeterie, et cette élévation se maintint durant plusieurs jours ; après quoi, la colonne liquide redescendit à son niveau normal.

Sans pousser plus loin l’examen des faits de ce genre, nous aborderons cette question, que se posent bien des personnes : Doit-on craindre de voir les puits artésiens tarir à la longue ?

À cela nous répondrons, avec Arago, que le puits de Lillers, en Artois, dont la construction remonte à plus de sept cents ans, a constamment fourni la même quantité d’eau depuis cette époque, et qu’il jaillit toujours à la même hauteur.

Un autre puits, situé dans le monastère de Saint-André et observé par Bélidor, il y a plus d’un siècle, n’a pas davantage présenté de variations dans le volume d’eau qu’il débite, ni dans la puissance de son jet.

Ces exemples doivent rassurer les personnes qui conçoivent des craintes au sujet de l’épuisement possible des fontaines artésiennes.

Ces craintes pourraient cependant devenir fondées, dans le cas où l’on creuserait un trop grand nombre de puits sur le même point ; mais, nous l’avons déjà dit, le résultat final dépendrait de l’étendue et de la masse de la nappe souterraine. Or ces éléments échappent complétement à notre appréciation. Nul ne peut donc dire à quel moment est atteinte la limite où l’on ne peut multi-