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À la Chapelle Saint-Denis, les choses se sont passées tout différemment. Le puits ordinaire n’a pu être mené, avec beaucoup de peine, qu’à la profondeur de 34 mètres, l’épaisseur des terrains tertiaires étant, en ce lieu de la ville, de 137 mètres ; il restait donc 102 mètres à percer pour atteindre la craie. Le 16 décembre 1865, on commença à forer au diamètre de 1m,70, et l’on arriva ainsi à la profondeur de 68 mètres, sans employer de colonne de garantie, quoique les marnes et les calcaires traversés fussent de nature ébouleuse. À 68 mètres, on descendit une colonne de 1m,58 de diamètre intérieur, et on la poussa jusqu’à 120 mètres dans les sables et les argiles plastiques ; malgré tous les efforts, elle refusa d’avancer davantage. On aurait voulu l’amener jusque sur la craie, atteinte le 16 décembre 1866, afin de lui faire intercepter la totalité des terrains ébouleux, et de pouvoir continuer le forage dans la craie au diamètre de 1m,55 ; mais on n’y put réussir. C’est en vain que l’on ajouta à son propre poids, qui n’était pas moindre de 100 000 kilogrammes, une pression considérable ; c’est en vain qu’on l’attaqua avec un mouton de 4 000 kilogrammes : elle résista pendant plusieurs mois, et l’on dut la laisser en repos pour ne pas la déformer.

Une seconde colonne de 1m,39 de diamètre intérieur fut donc descendue, pour maintenir les sables et les argiles surmontant la craie : le 20 juillet 1867, l’opération était terminée. Trois mois après, le 1er novembre, on atteignait la profondeur de 280 mètres au diamètre de 1m,35.

À la Chapelle Saint-Denis, l’outil broyeur est un trépan circulaire du poids de 4 800 kilogrammes et à dimensions variables : son diamètre a été successivement de 1m,70, de 1m,58 et de 1m,35. Celui de la Butte-aux-cailles pèse environ 2 500 kilogrammes, au diamètre de 1m,20 ; il est à lame pleine.

Les colonnes de garantie employées dans le sondage de la place Hébert, ne sont pas confectionnées à la manière ordinaire. Elles consistent en des feuilles de tôle de 1 millimètre d’épaisseur, superposées et à joints croisés ; leur épaisseur totale est donc de 2 millimètres. Comme elles sont dépourvues de toute saillie permettant de les saisir pour la descente, il a fallu fixer sur leur pourtour un certain nombre de plaques mobiles, retenant un fort tampon en bois de chêne, introduit dans leur intérieur. Ce tampon est garni d’un joint en caoutchouc qui ferme hermétiquement le tube par en haut, de sorte que l’air situé au-dessous se comprime, et en pressant sur l’eau, produit un allégement du poids du tube.

Les diverses portions de la colonne sont assemblées au moyen de rivets mis à chaud. Dès que l’ensemble atteint un poids considérable, 30 ou 40 000 kilogrammes, par exemple, on se sert, pour la descente, de deux ou quatre vis fixées aux tampons, qui tiennent le dernier tube suspendu dans le forage à l’aide de leurs écrous posant sur un pont solide en charpente. Chaque écrou porte une roue dentée qui engrène avec une vis sans fin munie d’une manivelle. Il suffit d’un homme agissant sur chaque manivelle pour faire descendre les vis, et par suite le tube. Par ce procédé, deux hommes manœuvrent parfaitement une colonne de 50 000 kilogrammes. Pour un poids plus considérable, on emploie quatre vis et quatre hommes. La descente de la colonne qui occupe les 140 premiers mètres du forage de la Chapelle, a exigé un mois entier.

Tels sont les détails que nous avons pu recueillir sur les importants travaux de sondage que fait exécuter en ce moment la ville de Paris.

Ce qui peut faire espérer une bonne réussite, c’est le succès d’un puits artésien, d’une profondeur énorme, qui tout récemment, c’est-à-dire au mois de septembre 1869, a été mené à bon port.