Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

gagée dans le tuyau d’ascension de l’huile et qui porte le nom de modérateur. Les inventeurs de ces différents organes ont voulu revendiquer pour leur propre compte la découverte même de la lampe à modérateur, et ainsi s’est élevé entre eux un conflit de prétentions, une guerre de priorité, que l’intérêt mercantile s’est appliqué encore à obscurcir, de sorte qu’il est presque impossible aujourd’hui de débrouiller ce chaos.

L’Académie des sciences de Paris qui eut à se prononcer en 1854, sur la question de l’invention de la lampe à boudin, la résolut, en décernant le prix de mécanique, de la fondation Monthyon, à M. Franchot, mécanicien de Paris, « pour sa découverte de la lampe à modérateur et pour ses travaux sur les machines à air chaud. »

Aux termes de cette décision de l’Académie des sciences, M. Franchot devrait donc être proclamé le seul inventeur de la lampe à modérateur. C’est là une conclusion que M. Franchot lui-même n’accepterait pas. Ce mécanicien eut le mérite de réunir en un ensemble harmonieux différents organes que plusieurs lampistes avaient imaginés avant lui, et de faire de cette réunion l’appareil ingénieux et simple qui est aujourd’hui entre les mains de tout le monde. Mais l’idée du ressort à boudin avait été réalisée bien longtemps avant lui, et d’autre part Mallebouche et Joanne avaient déjà fabriqué des lampes munies d’un piston de cuir embouti. Le modérateur même avait été imaginé par un autre lampiste, M. Allard.

Au reste, les travaux des inventeurs des principaux organes de la lampe à modérateur ont été résumés avec clarté, et en les subordonnant sans cesse d’ailleurs à ceux de M. Franchot, dans une excellente publication périodique, le Génie industriel, de M. Armengaud. À l’époque où l’Académie des sciences décerna à M. Franchot le prix dont nous parlions plus haut, M. Armengaud écrivit, pour justifier cette décision académique, les pages qui vont suivre, et qui feront suffisamment connaître les travaux des différents inventeurs qui ont précédé M. Franchot dans la même voie.

On allègue, contre les droits de M. Franchot, plusieurs raisons ; néanmoins il n’en est que trois qu’on ait opposées sérieusement à son brevet ; ce sont les suivantes :

« M. Mallebouche, a-t-on dit, breveté le 9 juin 1832 (brevet déchu par ordonnance royale du 13 avril 1836), a employé le ressort que revendique M. Franchot.

« De même M. Joanne a employé en 1833 le piston de cuir embouti.

« Enfin M. Allard a décrit en 1827 un régulateur analogue à celui que M. Franchot a employé dans sa lampe à modérateur. »

Ces assertions fussent-elles rigoureusement vraies, on ne pourrait méconnaître que les divers organes très-simples, réunis pour la première fois par M. Franchot, dans sa lampe à modérateur, ont constitué une lampe plus pratique qu’aucune de celles connues antérieurement, et par conséquent une invention utile.

Nous allons cependant essayer d’établir une comparaison entre lesdits brevets et celui de M. Franchot.

Brevet Mallebouche pour un nouveau système d’éclairage à l’huile. — M. Mallebouche a effectivement décrit un ressort à double fusée, dit élastique de tapissier, pour comprimer l’huile sous un piston. L’huile s’élève par un tube central fixé au fond du corps de la lampe.

M. Franchot a employé le même ressort, en y apportant le perfectionnement de la triple fusée qui a été exclusivement adopté.

Ici la similitude est presque complète.

Brevet Joanne pour une lampe dite astéare. — Dans son brevet primitif, l’inventeur s’exprime assez vaguement au sujet du piston.

« Ce piston, dit-il, est composé de quatre pièces ; lorsque je lève le tube, le piston s’ouvre, et il se referme quand je le laisse tomber. Ces quatre pièces sont :

« Une rondelle en cuir ajustée à frottement doux contre le cylindre ;

« Une rondelle en plomb ou en cuivre, conique à l’intérieur ;

« Une rondelle en cuir conique à l’extérieur et ajustée à frottement doux sur le tube central ;

« Un poids qui a dans le cylindre un jeu facile. Si je laisse retomber ce poids, il entraîne la troisième rondelle sur la deuxième ; les deux cônes s’adaptant parfaitement ensemble, toute communication se trouve interrompue. »

Ce piston ne présente aucune analogie avec le