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bois. Tels sont les bancs de sable, les tourbillons sous-marins, et les groupes de petits écueils cachés par les eaux.

L’utilité de ce système n’a pas paru très-évidente en France, ou du moins, nos côtes étant presque partout dans des conditions qui permettent une construction fixe, les phares flottants sont peu nombreux sur notre littoral. En Angleterre, au contraire, ils sont répandus avec une profusion qui touche à la superfluité.

L’idée des bateaux-phares est d’ailleurs, il faut le reconnaître, d’origine anglaise. Si l’Angleterre n’a fait que se traîner à la remorque de la France, pour tout ce qui concerne l’invention de l’éclairage par les lentilles à échelons et les anneaux lenticulaires, base fondamentale du système qui a sauvé tant d’existences humaines ; si elle n’a fait que copier et reproduire servilement le modèle des phares lenticulaires, dû au génie de Fresnel, il faut reconnaître qu’elle nous a devancés dans l’emploi général, d’ailleurs beaucoup moins important, des bateaux-phares, ou feux flottants.

D’après M. Esquiros, l’idée des feux flottants appartiendrait à deux Anglais qui vivaient au siècle dernier, Robert Hamlin et David Avery. Le premier était maître d’équipage ; le second, d’une condition tout aussi médiocre, rêvait pourtant de grands projets. Ces deux hommes s’entendirent pour installer à l’embouchure de la Tamise, un ponton surmonté d’une lumière ; puis ils frappèrent de certains droits les navires qui passaient dans le voisinage. Mais la Trinity-House, atteinte dans ses priviléges, réclama auprès du roi, et les deux associés furent contraints de lui céder le brevet et la propriété du fanal. Comme compensation, la Trinity-House leur laissa la jouissance du bail pendant soixante et un ans, sous condition de payer une redevance annuelle de 2 500 francs.

Telle serait, d’après M. Esquiros, l’origine des feux flottants.

Les phares flottants sont assez nombreux dans la Grande-Bretagne ; on en compte jusqu’à 47, tous parfaitement distincts les uns des autres. Les frais de construction et d’équipement d’un bateau-phare varient de 90 000 à 155 000 francs. Les frais d’entretien s’élèvent à 27 575 francs.

L’équipage d’un light-vessel se compose d’un maître ou capitaine, d’un aide et de neuf hommes, parmi lesquels trois sont spécialement affectés au service des lampes. Il n’y a jamais que les deux tiers de l’équipage à bord ; l’autre tiers demeure à terre. Ce serait, en effet, un supplice trop cruel, que celui qui consisterait à vivre continuellement sur le même point, au milieu des agitations de la mer et du sifflement des vents. Les marins passent donc alternativement deux mois sur le vaisseau et un mois sur le continent. Le capitaine et l’aide se relayent chaque mois, dans le commandement. Quelquefois l’état de la mer s’oppose, pendant plusieurs semaines, à toute communication avec le rivage, force est bien alors d’attendre patiemment sur le ponton une période de calme.

Un bateau à vapeur, ou un bon voilier, apporte chaque mois les vivres nécessaires à la subsistance de l’équipage. Le mauvais temps peut, il est vrai, retarder sa venue ; mais six semaines ne s’écoulent jamais ainsi, et les provisions des bateaux-phares sont plus que suffisantes pour mettre, pendant ce laps de temps, les équipages à l’abri du besoin.

Dans son ouvrage sur l’Angleterre et la Vie anglaise publié en 1869, M. Esquiros a donné la description d’un bateau-phare anglais, qui nous fait, pour ainsi dire, assister à la vie des marins logés dans les phares flottants. Nous emprunterons à cet écrivain cet intéressant tableau.

« À première vue et de loin, dit M. Esquiros, un light-vessel ressemble beaucoup pendant la journée à un vaisseau ordinaire. Si l’on y regarde de plus près, on trouve entre eux une bien grande diffé-