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un phare sur ce point de la côte d’Afrique. Il paraissait difficile de demander un travail de cette nature au gouvernement marocain, qui pouvait ne s’y reconnaître aucun intérêt, et même aurait pu se montrer disposé à mal accueillir une mesure dont l’effet devait être de priver ses sujets du bénéfice, fort immoral assurément, mais assez considérable, qu’ils retiraient des épaves roulées sur leurs plages. L’intervention des puissances européennes les plus intéressées dans la question, était nécessaire pour surmonter les résistances prévues, subvenir aux dépenses de l’entreprise, et assurer plus tard l’entretien du feu.

Soumise à la Commission française des phares, cette idée y fut accueillie avec chaleur, et énergiquement appuyée.

Malheureusement le concert préalable qu’il s’agissait d’établir, souleva des difficultés, et le succès paraissait douteux, sinon impossible, lorsqu’en 1860, de nuit et par une grosse mer, la frégate brésilienne, Doña Isabel, montée par un nombreux équipage et par les élèves de la marine de l’État du Brésil, vint échouer près du cap Spartel, qu’elle n’avait pu reconnaître. Le navire se brisa, et 250 hommes trouvèrent la mort dans ce sinistre.

Cet événement douloureux émut profondément l’opinion publique, et fit reprendre le projet de l’édification d’un phare sur le cap Spartel.

Grâce aux représentations du gouvernement français, l’empereur du Maroc, non-seulement donna son assentiment au projet de construire ce phare, mais encore il s’engagea à subvenir aux dépenses de la construction, sous la seule condition que la France chargerait un de ses ingénieurs de la direction des travaux.

Cette mission, qui était jugée difficile et devait rencontrer plus d’obstacles encore qu’on ne l’avait prévu, fut confiée à M. Jacquet, conducteur des ponts et chaussées, attaché au service des phares, qui se rendit immédiatement sur les lieux.

Dès le mois de juin 1861, une exploration faite à bord du bâtiment de la marine française, le Coligny, avait permis à M. Jacquet de déterminer l’emplacement à assigner au phare. D’accord avec le commandant de ce navire, il fixa son choix sur un petit plateau s’élevant à 70 mètres à pic du côté de la mer, à 500 mètres environ dans le nord-est de la pointe du cap, d’où l’on découvre un horizon étendu, tant du côté du large que dans la direction du détroit, et où l’on n’a point à redouter les brumes intenses qui couronnent parfois le sommet de la montagne.

Le lieu se trouvait offrir quelques ressources en fait de matériaux de construction, et ces ressources furent d’autant plus précieuses que des sentiers abrupts et à peine tracés étant le seul moyen de communiquer avec Tanger, le centre de population le plus rapproché, les transports ne pouvaient s’effectuer qu’à dos d’âne, et n’admettaient pas d’objets d’un poids un peu considérable.

Le plateau est entouré de roches d’un grès fin, d’une dureté suffisante et facile à travailler. À peu de distance au-dessous on découvrit un dépôt calcaire, apte à fournir d’excellente chaux. À proximité encore on a rencontré de l’argile plastique et un amas de sable siliceux ; enfin deux sources légèrement ferrugineuses, qui paraissent ne jamais tarir, sortaient de la roche à quelques mètres au-dessus de la plate-forme.

Mais pour tirer parti de ces ressources, il fallait installer, dans ce désert, une exploitation de carrières, une chaufournerie, une briqueterie, des logements pour l’ingénieur et les ouvriers, un service de vivres, etc. Or, l’ingénieur n’avait à sa disposition que des indigènes pris dans la campagne, réunis et retenus de force, fréquemment renouvelés, peu habiles, et surtout peu désireux de concourir au succès d’une œuvre qu’ils ne comprenaient pas, et qui était dirigée par un infidèle, dont les ordres leur étaient transmis par des interprètes sans autorité.