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cipauté de Galles. Ce phare remplaçait une vieille tour, qui remontait au dernier siècle, comme celle d’Eddystone, et dont la construction avait également coûté bien des peines.

Vers la fin du siècle dernier, un philanthrope anglais, nommé Phillips, avait pris la résolution de faire dresser un phare sur les rochers de Smalls, qui étaient le théâtre de fréquents sinistres. La tâche était difficile, car les rochers de Smalls sont complétement submergés à la marée haute, et s’élèvent à 4 mètres au-dessus de l’eau, à la marée basse. Il n’y avait pas alors, comme aujourd’hui, surabondance d’ingénieurs éclairés ; Phillips s’estima heureux de confier le travail de l’édification du phare à un jeune homme, nommé Whiteside, simple luthier de Liverpool, mais qui était doué de quelques talents dans les arts mécaniques.

Un marchand de soieries avait bâti le phare d’Eddystone, un marchand de violons devait édifier celui de Smalls.

Au mois de juillet 1772, Whiteside débarquait sur les rochers de Smalls, accompagné seulement de quelques mineurs de Cornouailles et de deux charpentiers de navire qu’il associait à son entreprise.

Les difficultés qu’ils rencontrèrent tout d’abord furent au moment de les détourner de leur projet.

Les premiers travaux étaient commencés lorsqu’une tempête vint à éclater. Le navire qui avait amené les ouvriers étant forcé de fuir devant l’ouragan, les ouvriers demeurèrent seuls sur l’écueil, presque entièrement recouvert par l’eau. En s’accrochant le mieux qu’ils purent aux éminences des rocs, ils échappèrent à la mort ; mais ils passèrent deux jours et deux nuits dans cette situation navrante.

Les malheurs de ces courageux ouvriers n’étaient pas finis. Le travail était en bonne voie, et tout faisait présager une heureuse issue de l’entreprise hardie de Whiteside et de ses compagnons, quand la tempête emporta le cutter qui leur servait d’asile dans les intervalles du travail. Par suite de la perte du navire et de l’absence de communications avec le continent, les vivres leur manquaient totalement.

Un jour, les pêcheurs de l’île Skoner ramassèrent sur le sable ce que les Anglais appellent un message de l’abîme, c’est-à-dire un papier enfermé dans une bouteille soigneusement cachetée, et enveloppée elle-même dans un baril. Sur le baril étaient inscrits ces mots :

« Ouvrez ceci, et vous trouverez une lettre. »

La lettre était ainsi conçue :

Smalls, 1er février 1777.
« Monsieur,

« Nous trouvant en ce moment dans la position la plus critique et la plus dangereuse, nous espérons que la Providence vous fera parvenir cette lettre et que vous viendrez immédiatement à notre secours. Envoyez-nous chercher avant le printemps, ou nous périrons, je le crains ; notre provision d’eau et de bois est presque épuisée, et notre maison est dans l’état le plus triste. Nous ne doutons pas que vous ne veniez nous chercher le plus promptement possible. On peut arriver près de nous à la marée par n’importe quel temps. Je n’ai pas besoin d’en dire davantage, vous comprendrez notre détresse, et je reste

votre humble serviteur,
« H. Whiteside. »

Au-dessous de cette signature, on lisait encore ces mots :

« Nous avons été surpris le 23 janvier par une tempête. Depuis ce moment nous n’avons pu allumer le phare provisoire, faute d’huile et de chandelles. Nous craignons qu’on ne nous ait oubliés.

« Ed. Edwards, G. Adams, J. Price.

« P. S. Nous ne doutons pas que la personne entre les mains de laquelle ceci tombera, ne soit assez charitable pour le faire envoyer à Th. Williams esq. Trelethin, près de Saint-David, dans le pays de Galles. »

Grâce à ce hasard providentiel, les malheureux ouvriers furent secourus à temps, et ils purent achever leur œuvre.

Du reste, la philanthropie de Phillips, qui avait fait bâtir ce phare sur les rochers de Smalls, fut récompensée dans la personne de