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La tempête avait détruit le premier phare d’Eddystone ; le feu avait eu raison du second.

Un ingénieur de grand mérite, Smeaton, fut chargé d’ériger un troisième phare sur l’emplacement des précédents. Smeaton construisit le phare qui existe encore de nos jours. La première pierre fut posée le 12 juin 1757, et la dernière le 24 août 1759. Durant cet intervalle, on ne put aborder le rocher que quatre cent vingt et une fois, et l’on ne travailla que pendant cent douze jours. Smeaton surmonta toutes les difficultés. Grâce à la disposition qui consiste à assembler toutes les pierres d’une même assise à queue d’aronde, c’est-à-dire à les enchevêtrer les unes dans les autres, ainsi que le représente la figure 308 ; grâce aussi à la précaution de relier les différentes assises par des dés en marbre qui les traversent de part en part, l’édifice fut fait, pour ainsi dire, d’un seul morceau. Il put ainsi braver sans faiblir le choc des vagues, qui, dans certains moments, montent en tourbillonnant à 8 ou 10 mètres au-dessus de la coupole lumineuse. Les chocs sont d’ailleurs amortis par le relief particulier de la tour. Au lieu de se briser contre une surface rectiligne, les flots rencontrent une surface courbe qu’ils remontent en glissant, sans aucun dommage pour l’édifice.

Fig. 308. — Une assise du phare d’Eddystone.

Un fait qui est à l’honneur de Louis XIV, se rattache à l’histoire de ce phare. Pendant que Smeaton le construisait, la guerre existait entre la France et la Grande-Bretagne. Un corsaire français, qui eut connaissance de ce qui se passait sur l’îlot d’Eddystone, y débarqua, s’empara des ouvriers et les emmena prisonniers en France. En apprenant cette capture, Louis XIV montra une grande colère. Il ordonna que les ouvriers fussent délivrés : « Je suis en guerre avec l’Angleterre, dit le roi, mais non avec le genre humain. »

Si le phare d’Eddystone est un monument national dont l’Angleterre s’honore, celui qui s’élève sur le rocher de Bell-Rock, en Écosse, est justement célèbre. Aussi le nom de Robert Stevenson, l’ingénieur à qui l’on doit le phare de Bell-Rock, est-il aussi célèbre en Écosse, que l’est en Angleterre celui de Smeaton.

Le rocher de Bell-Rock se dresse en mer, dans une position aussi difficile que celui d’Eddystone. C’est un banc rocailleux, d’environ 130 mètres de long sur 70 de large, qui se trouve sur la côte d’Écosse, dans le Forfashire. On l’appela longtemps le Rocher de la cloche, parce que les moines de l’abbaye d’Arbroath, pour le signaler aux navigateurs, y avaient placé une cloche portée sur un radeau. Les flots mettaient cette cloche en branle, au moment de la tempête.

Cependant ce mode d’avertissement était illusoire. Les naufrages succédaient aux naufrages, aux alentours de ce récif dangereux. Un vaisseau de guerre de soixante-quatorze canons, l’York, périt avec tout son équipage, en se brisant contre cet écueil. Dès lors la Commission des phares du Nord (Northern Commissionners) décida qu’il fallait ériger sur le récif de Bell-Rock un phare, construit sur le même principe que celui d’Eddystone. Un ingénieur, encore obscur, mais dont les talents étaient reconnus, Robert Stevenson, fut chargé de ce travail.

Robert Stevenson débarqua avec ses ou-