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sera de bonne humeur, pour lui demander un phare. »

Un pareil régime ne pouvait produire que de fâcheuses conséquences. Les privilégiés songeaient beaucoup plus à gagner de l’argent qu’à guider les navigateurs ; de sorte que l’éclairage des fanaux se faisait très-mal. Enfin, un acte du Parlement, rendu sous Guillaume IV, réduisit les droits de péage, et décida que la couronne abandonnerait ses droits à la Trinity-House, moyennant une somme de 7 500 000 francs. Cette compagnie fut également autorisée à racheter tous les phares, ou light-houses, possédés par des particuliers. Ces acquisitions lui coûtèrent de fortes sommes. Cependant elle prospéra toujours, grâce aux droits qu’elle continua de prélever et qu’elle prélève encore sur les navigateurs.

La Trinity-House comprend deux classes d’associés : les Frères aînés (Elder Brothers), et les Frères cadets (Younger Brothers), Ces derniers n’ont pas voix délibérative dans le conseil de la Société ; ils sont choisis sur la proposition d’un des frères aînés. Ils sont aujourd’hui au nombre de 360 ; mais le nombre n’en est point limité.

Les frères aînés, au nombre de 31, sont pris parmi les frères cadets. Pour être admis, ils doivent avoir subi un examen, et servi au moins quatre ans comme capitaine, dans la marine marchande ou dans celle de l’État. Ils se divisent en membres honoraires et en membres actifs. Les premiers sont des hommes étrangers à la navigation, mais qui, par leur naissance ou leur illustration, sont susceptibles de jeter de l’éclat sur la Société. Parmi les plus connus autrefois, nous citerons Guillaume IV, Pitt, Wellington, le prince Albert, lord Palmerston et, de nos jours, lord John Russel et lord Derby. Le conseil de Trinity-House se compose de six comités, dont les attributions sont très-diverses ; nous n’entrerons pas dans ce détail.

Si l’on compare l’organisation française pour le service des phares et fanaux, à l’administration anglaise, on ne pourra s’empêcher de conclure que l’avantage est tout entier de notre côté. Exclusivement formée d’hommes spéciaux, et surtout d’ingénieurs des ponts et chaussées, la Commission française des phares traite les questions scientifiquement, fait des expériences, entreprend des essais, et réalise toutes les améliorations qui lui paraissent utiles. Il est probable que sans cette commission scientifique, Fresnel n’eût point doté le monde de lentilles à échelons. La centralisation administrative française, qui a tant d’inconvénients dans la plupart des circonstances, est ici non-seulement justifiée, mais nécessaire. L’autorité confiée à un directeur résidant à Paris, de donner les ordres pour l’exécution de règlements concernant les phares sur toute l’étendue de nos côtes, cette sorte de despotisme administratif, qui n’a d’autre but que d’assurer des existences humaines et de préserver de la destruction des propriétés et des biens, est évidemment bien préférable à l’organisation surannée, divisée et compliquée de la Trinity-House.

Jetons maintenant un coup d’œil sur quelques-uns des phares les plus célèbres de la Grande-Bretagne.

Saluons d’abord celui d’Eddystone (fig. 307). C’est le premier que l’homme ait élevé en pleine mer, et qui soit resté inébranlable sous les coups de la tempête. Il se dresse dans la baie de Plymouth, sur l’un des nombreux récifs qui surgissent à fleur d’eau en cet endroit. Antérieurement on en avait construit deux sur le même écueil ; mais ils furent détruits, l’un par la mer et les vents, l’autre par le feu[1].

Le premier de ces deux édifices fut bâti

  1. L’histoire des phares d’Eddystone a été longuement développée par Smeaton, dans son ouvrage : A narrative of the building, and a description of the construction of the Eddystone light-house, by John Smeaton, civil engineer.