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Il ne serait pas prudent, selon M. Reynaud, de desservir un phare par une seule machine magnéto-électrique. Il faudra employer deux machines, afin d’éviter les chances d’extinction subite. Il conviendrait même d’avoir deux appareils optiques, afin de pouvoir remédier aux accidents qu’éprouverait une des deux lampes électriques, de pouvoir renouveler les charbons sans interrompre l’éclairage, et même pour pouvoir doubler l’intensité du feu quand le besoin s’en ferait sentir. Un commutateur, placé à portée du gardien, permettrait de faire passer instantanément la lumière d’un appareil à l’autre.

Passons maintenant à l’examen particulier des appareils optiques, aux dépenses, à l’intensité lumineuse, à la portée de la lumière électrique et aux chances d’accident.

Ce qu’il y a de frappant dans l’emploi de la nouvelle lumière, c’est qu’elle n’exige qu’un appareil optique de la plus petite dimension, et pour parler avec précision, qu’un appareil optique d’un diamètre six fois moindre que celui de l’appareil éclairé par l’huile de colza. Un appareil à feu fixe, de 30 centimètres, éclairé par une lumière de 160 à 180 becs, donne dans l’axe, une intensité moyenne de 4 000 becs, et à deux degrés au-dessus ou au-dessous de l’axe, encore une intensité de 600 à 700 becs, qui est l’intensité maximum du feu fixe de premier ordre.

Ainsi avec un appareil optique de très-petite dimension, et à peine du volume d’un appareil de phare de troisième ordre, on peut remplacer les énormes lanternes de cristal des phares de premier ordre. C’est là l’avantage qui a le plus frappé le vulgaire depuis que le nouveau système fonctionne en France, sous les yeux du public, au Havre et au cap Gris-Nez.

On peut se demander maintenant quel sera l’avantage de la grande intensité lumineuse fournie par le nouveau système de phares. Par une atmosphère ordinaire, la plupart de nos phares de premier ordre portent aussi loin que le permet leur élévation. Un excès de lumière, dit M. Reynaud, dans son rapport adressé, en 1863, au Ministre des travaux publics, ne servirait qu’à éblouir les navires et les empêcherait d’apercevoir les écueils. Mais, par une atmosphère brumeuse, il serait très-important de disposer de feux plus puissants, car alors l’absorption atmosphérique diminue considérablement la portée des feux. C’est dans ce dernier cas que la lumière électrique deviendra précieuse.

Pour apprécier la rapidité avec laquelle l’opacité de l’air diminue la portée de la lumière d’un phare, il suffira de dire qu’un feu fixe de premier ordre, qui s’aperçoit à 35 kilomètres, dans les circonstances ordinaires n’éclaire plus qu’à 8 kilomètres et demi en temps de brume. La portée d’un phare à éclipses, à intensité de 25 000 becs Carcel, se réduit de 29 kilomètres à 1 200 mètres, par une brume très-médiocre.

La remarquable intensité de l’éclairage électrique, qui augmente tant sa portée, sera très-utile dans certaines circonstances atmosphériques. Il est même possible que, dans la pratique, cet avantage prenne une grande prépondérance. D’abord, comme le nouveau système convient surtout aux temps brumeux, on pourra diriger le faisceau lumineux un peu au-dessus de l’horizon, de manière à donner plus d’éclat aux rayons plongeants. Cette disposition ne saurait être demandée aux phares actuels, sous peine de réduire leur portée utile dans l’état moyen de l’atmosphère. De plus, l’obligation où l’on se trouve d’employer deux lampes électriques, permettra de doubler, quand il le faudra, l’intensité du feu, sans accroître sensiblement la dépense. Le phare électrique à feu fixe, par exemple, au lieu de ne s’apercevoir qu’à 16 kilomètres, lorsque l’unité porte à 4 kilomètres, s’apercevrait encore alors à une distance de 17 kilomètres, tandis qu’un phare ordinaire ne porterait qu’à 13.

Une autre question très-importante pour