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étant placée au point B, foyer commun de tous les tronçons de lentilles, a, b, c, d, e, f, des rayons lumineux se réfractent en traversant ces lames de verre, et sortent de l’autre côté de la lentille, tous parallèles à l’axe AB.

Les lentilles ordinaires ne peuvent pas avoir plus de 10 à 11 degrés d’ouverture, sans que la lumière éprouve, en les traversant, une aberration considérable : avec une lentille à échelons du système Fresnel, on peut donner plus de 40 degrés à l’ouverture, ce qui donne neuf fois plus de lumière.

Voilà l’importante découverte qui appartient, d’une manière incontestable, à Augustin Fresnel, et qui représente l’avantage fondamental de son système. Au lieu des lentilles à échelons telles que Buffon les construisait, c’est-à-dire avec le même foyer pour chaque calotte, Fresnel employait des anneaux séparés, dont les foyers n’étaient pas les mêmes, mais qui venaient tous concourir au même point. À ce foyer commun on plaça la source de lumière.

Fresnel ne réussit pas tout d’abord à réaliser sa pensée d’une manière absolue. Les opticiens n’avaient pas alors le moyen d’exécuter des surfaces de cristal annulaires ; ils ne savaient faire que des surfaces sphériques. Il fut donc contraint, provisoirement, de substituer à chaque surface annulaire un assemblage de petites portions de surfaces sphériques, dont la courbure et l’inclinaison étaient calculées de manière que l’aberration de sphéricité fût la moindre possible dans tous les sens.

Au lieu de faire la lentille biconvexe, c’est-à-dire à double courbure, il la fit plan-convexe, c’est-à-dire plate d’un côté et courbe de l’autre. Cette disposition a été maintenue, car elle simplifie la fabrication, et rend plus facile le collage des différents morceaux de cristal.

L’ensemble des lentilles et tronçons lenticulaires d’un phare, s’appelle le tambour lenticulaire, ou plus simplement, le tambour.

Le premier appareil d’éclairage ainsi conçu, que Fresnel fit construire par l’opticien Soleil, ne comprenait pas moins de 97 morceaux de cristal, travaillés séparément. On les rapprochait solidement, au moyen de la colle de poisson, substance transparente et dont l’adhérence au verre est considérable.

Les expériences qui furent faites devant la Commission des phares, avec cette lentille à échelons, dont la longueur était de 76 centimètres, mirent si bien en évidence les avantages du nouveau système d’éclairage, que le Directeur général des ponts et chaussées et des mines, Becquey, ordonna aussitôt la construction d’un grand appareil semblable.

C’est alors que Fresnel imagina un procédé mécanique pour exécuter économiquement et facilement les surfaces annulaires. Il communiqua ce procédé à Soleil, qui le mit en pratique avec succès. On put ainsi réduire le nombre des morceaux de cristal dont chaque surface se compose, et qui ont toujours pour effet d’occasionner une petite perte de lumière, en même temps qu’ils nuisent à la solidité de l’appareil.

Cet exposé suffit pour montrer que, si Fresnel n’a point eu la première idée des lentilles à échelons, il est certainement le créateur du système lenticulaire. En effet, il a songé, le premier, à en faire l’application à l’éclairage des phares. En second lieu, il a vu tout le parti qu’on en pouvait tirer pour corriger l’aberration de sphéricité des lentilles. Enfin, il a fait descendre ce système du domaine de la pure théorie dans celui de la pratique en imaginant des procédés de fabrication sans lesquels l’invention de Buffon fût éternellement demeurée lettre morte.

Cela dit, examinons, pour en faire bonne justice, les prétentions à la même découverte qui furent émises par un physicien anglais, Sir David Brewster.

David Brewster a rendu à la science d’inestimables services, et l’Angleterre le cite avec orgueil parmi ses plus illustres enfants. C’est pour cela qu’on doit lui pardonner moins