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pendant le jour, ces tours étaient bâties en pierres blanches, qui sollicitaient le regard. Le mode d’éclairage était tout primitif ; il consistait en un feu de bois brûlant à l’air libre, et que l’on entretenait constamment. Mais un tel foyer devait souvent s’éteindre par les gros temps, c’est-à-dire au moment où il était le plus nécessaire.

Ces phares, tout imparfaits qu’ils fussent, rendirent d’incontestables services à la navigation.

La première tour à feu dont il soit fait mention dans l’histoire de l’antiquité grecque, est celle dont parle Leschès, poëte qui vivait dans la 30e olympiade. Cette tour que Leschès place au promontoire de Sigée, a été représentée dans la table Iliaque, d’après la description de Leschès. Le savant Montfaucon, dans son grand ouvrage, l’Antiquité expliquée, en a donné, d’après ce document, la figure que nous reproduisons ici.

Fig. 264. — Tour du promontoire de Sigée.

Mais le plus célèbre et, pour ainsi dire, le prince des phares de l’antiquité, est celui que Ptolémée Philadelphe, roi d’Égypte, fit élever à Pharos, petite île voisine du port d’Alexandrie.

Selon Ammien Marcellin et Tzetzès, ce monument serait l’œuvre de Cléopâtre. Cependant, d’après les témoignages de Strabon, de Pline, de Lucien, d’Eusèbe, de Suidas et de quelques autres historiens, on ne saurait contester à Ptolémée Philadelphe l’honneur d’avoir érigé ce monument célèbre. Montfaucon, dans son Antiquité expliquée, rapporte à ce sujet, une anecdote qui prouve que les architectes égyptiens savaient concilier le soin de leur gloire devant la postérité, avec le respect ou la crainte que leur inspiraient les rois leurs maîtres.

Sostrate de Cnide fut l’architecte du phare d’Alexandrie. Voulant faire passer son nom à la postérité la plus reculée, il employa un ingénieux artifice pour supprimer le nom du souverain qui avait ordonné ce grand travail, et y substituer le sien, qui sans cela eût été complétement éclipsé. Il fit d’abord graver sur la pierre de la tour, en caractères profondément creusés, cette inscription :

Sostrate de Cnide, fils de Daéphane,
aux Dieux sauveurs,
en faveur de ceux qui vont sur mer.

Ensuite, il recouvrit cette inscription d’un léger enduit, sur lequel il fit écrire le nom du roi Ptolémée. Au bout de quelques années, l’enduit tomba, comme l’avait prévu Sostrate, et le nom de Ptolémée disparut, laissant à découvert celui de l’astucieux architecte.

On ne sera plus étonné maintenant d’apprendre que les opinions des auteurs anciens diffèrent quant au nom du véritable fondateur de la tour d’Alexandrie !

Quelle est la véritable origine du mot phare ? On a voulu le faire venir du mot grec, φῶς lumière, ou de φἀω, je brille. C’était chercher bien loin une explication toute naturelle. La tour de Ptolémée s’élevait dans l’île de Pharos ; la tour prit le nom de l’île : on l’appela Pharos, et ce mot, devenu plus tard générique, servit à désigner les monuments de ce genre. Il en a été du mot phare comme du mot mausolée, qui, après avoir servi spécialement à désigner le tombeau élevé par Artémise, au roi Mausole, son époux, fut appliqué ensuite à tous