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milieu atmosphérique pur et salubre. Pour conserver notre comparaison du verre d’eau, ils ont agi moins sûrement encore que celui qui, pour chasser les impuretés lourdes tombées au fond du verre, et y formant une sorte de vase infecte, s’imaginerait purifier cette eau en versant avec précaution à sa surface, de grandes quantités d’eau fraîche. Cette eau déposée à la surface remuerait à peine la boue qui occupe le fond du verre ; elle n’en ferait pas sortir une parcelle. Les sporules organiques qui voltigent dans l’air d’une salle d’hôpital, se multiplient si vite, ces petits êtres animés sont tellement prolifiques, que la plus petite partie que l’on en laisse dans l’air, a bientôt empoisonné toutes les salles. Il ne faut donc pas se borner à aspirer, par la voie incertaine de l’appel, quelques bouffées d’air vicié ; il faut balayer largement les salles d’hôpital par des torrents d’air pur, incessamment poussé par des machines à refoulement.

Pour appuyer ce précepte par un exemple frappant, nous rappellerons ce qui est arrivé à l’hôpital Lariboisière, à Paris. On a dépensé, pour la construction de cet hôpital, des sommes considérables, et l’on y voyait, entre autres choses, le chef-d’œuvre de la ventilation moderne. Or, c’est l’un des hôpitaux de Paris les plus meurtriers ; il y périt deux fois plus de malades que dans les petits hôpitaux, non ventilés. Ces résultats n’ont point ouvert les yeux à l’administration des hospices. Elle continue à consacrer à ce mode de ventilation des sommes considérables, qui pourraient recevoir un emploi plus utile. Bien plus, le nouvel Hôtel-Dieu qui s’élève dans la Cité, sera pourvu, assure-t-on, de ce même procédé de ventilation par appel, revu et perfectionné !

Une discussion importante eut lieu, à cette occasion, en 1868, devant la Société de chirurgie de Paris. Les conclusions unanimes des chirurgiens furent qu’au lieu de créer et d’établir au centre des grandes villes, ces hôpitaux immenses, où l’on entasse les pauvres gens par plusieurs centaines à la fois, il faudrait établir, à quelques lieues de la ville, dans des régions reconnues très-salubres, de petits hôpitaux, composés de quelques salles seulement, et ne recevant que peu de lits.

On savait déjà combien il vaut mieux qu’un malade se fasse opérer à la ville qu’à l’hôpital, et à la campagne mieux encore qu’à la ville ; mais voici des chiffres précis qui fixeront davantage les idées sur cette question. M. Léon le Fort, pendant la discussion devant la Société de chirurgie, a donné les tableaux suivants, qui représentent la mortalité pour cent amputés de la cuisse ou de la jambe, considérée dans des hôpitaux de diverse capacité.

  Amputation de la cuisse.

Mortalité.
Amputation de la jambe.

Mortalité.
Hôpitaux
ne contenant pas plus de 100 malades 
25,3 17,7
renfermant de 100 à 200 malades 
30,7 19,2
200 à 400 malades 
37,5 22,4
400 malades et au delà 
40,0 32,1
Hôpitaux
de Paris en 1861 
74 70

Ainsi, l’amputation de la cuisse, qui réussit 3 fois sur 4 dans les petits hôpitaux, a donné, à l’inverse, 3 morts sur 4 opérations dans les hôpitaux de Paris. Ce résultat n’est-il pas effrayant ?

Ce tableau est tiré du discours prononcé par M. Léon le Fort, le 19 octobre 1868, devant la Société de chirurgie. Nous pourrions puiser encore dans cette discussion remarquable, bien des documents analogues. Les membres, si compétents, de cette société, furent unanimes sur le danger des hôpitaux de Paris, tels qu’ils sont établis. Chacun apporta les faits qu’il avait observés dans sa pratique, et il résulta de tout cela un ensemble de preuves vraiment accablant, concernant la mortalité des hôpitaux de la capitale, mortalité déplorable et qui ne peut être attribuée qu’à l’encombrement. Or