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physiologiste, M, Morin a fait usage d’un artifice très-curieux et très-scientifique. Il a, en quelque sorte, concentré dans un organisme vivant le gaz toxique qu’il s’agissait de rechercher. Expliquons-nous, M. Morin a enfermé des lapins pendant trois jours, dans une salle chauffée par des poêles en métal, à la température de 30 à 35 degrés. Après cet intervalle, il a recueilli le sang desdits lapins, et a cherché à doser exactement la proportion d’oxyde de carbone contenue dans ce sang. D’après ses expériences, 400 centimètres cubes du sang de ces animaux, renfermaient de 1 centimètre cube à 1 centimètre et demi d’oxyde de carbone, sans parler d’une certaine quantité d’acide carbonique et d’oxygène qui existent normalement dans le sang.

Ainsi, dans cette expérience élégante, le corps d’un animal fonctionnait comme un moyen d’absorption et de concentration des gaz cherchés, et l’organisme vivant se montrait plus sensible et plus efficace que la méthode chimique, pour saisir la fugitive substance qu’il s’agissait de retenir.

Cette expérience a été variée en faisant séjourner des lapins, non dans la pièce même chauffée par le poêle de fonte, mais sous une cloche dans laquelle on faisait arriver, au moyen d’un aspirateur, l’air provenant de la salle chauffée par le poêle. Ici, la température étant celle de l’air extérieur, on éliminait l’influence que pouvait avoir, dans un sens ou dans un autre, la température de 30 à 35 degrés de la salle chauffée.

Cent centimètres cubes du sang des animaux placés dans ces conditions, contenaient près de 2 centimètres cubes de gaz oxyde de carbone, après un séjour de 30 heures sous la cloche ; et dans une autre expérience, environ 1 centimètre cube seulement du même gaz.

Il faut ajouter qu’en faisant les mêmes expériences avec des poêles en tôle de fer, et non de fonte, on n’a pas trouvé d’oxyde de carbone dans le sang des animaux examinés.

L’ensemble de ces expériences faites sur les animaux, prouve que l’usage des poêles de fonte chauffés au rouge détermine dans le sang la présence de l’oxyde de carbone. Or, l’effet extrêmement toxique de l’oxyde de carbone sur l’économie animale est depuis longtemps connu. Ce gaz, quand il circule dans les vaisseaux, paralyse en quelque sorte les fonctions vitales des globules du sang ; il leur ôte, en quelque sorte, la propriété de retenir l’oxygène, et par conséquent d’exercer la fonction chimique de la respiration, l’hématose, comme l’appellent les médecins qui aiment à parler grec. D’après les expériences citées par M. Morin, il suffit que l’air contienne 4 dix-millièmes d’oxyde de carbone pour que l’oxygène contenu dans le sang de ces animaux se trouve réduit de près de moitié, chassé en quelque sorte par le gaz étranger.

Ainsi, quelque faibles que soient les proportions d’oxyde de carbone qui se répandent dans l’atmosphère d’une salle chauffée par un poêle de fonte, si la ventilation est incomplète, — et c’est le cas général avec les poêles, — l’oxyde de carbone peut, à la longue, en chassant l’oxygène du sang, causer une sorte d’asphyxie chez les personnes qui séjournent dans ce lieu.

Les poêles de fer présentent, à un degré moindre, il est vrai, mais présentent aussi, d’après M. le général Morin, le même inconvénient.

Quelle est la véritable origine du gaz oxyde de carbone, qui se forme, d’une manière bien positive, quand on fait usage de poêles de fonte et même de fer ? MM. Sainte-Claire-Deville et Troost, comme on l’a vu plus haut, ont cru pouvoir l’attribuer à la perméabilité de la fonte portée au rouge. À cette température, la fonte laisserait filtrer à travers sa substance une certaine portion d’oxyde de carbone.