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garde, d’atelier, etc., présentent un autre inconvénient sur lequel on a beaucoup discuté et écrit dans ces derniers temps. D’après des expériences faites, pour la première fois, par un médecin de Chambéry, le docteur Carret, et répétées ensuite au Conservatoire des arts et métiers de Paris, à l’École normale, etc., il est prouvé qu’une surface de fonte ou de fer répand dans l’air une certaine proportion de gaz oxyde de carbone, qui cause une céphalalgie tenace et une dyspnée des plus pénibles.

Comme les faits sur lesquels ces propositions reposent ont beaucoup occupé récemment l’attention publique, nous en donnerons un exposé détaillé.

C’est en 1865 que M. le docteur Carret, chirurgien de l’hôtel-Dieu de Chambéry, appela pour la première fois sur ce sujet l’attention de l’Académie des sciences de Paris et celle du public. À cette époque, M. Carret rédigea un mémoire sur une épidémie qui s’était manifestée en diverses localités du département de la Haute-Savoie, épidémie que l’auteur attribuait à l’emploi des poêles en fonte.

La communication adressée en 1865 à l’Académie des sciences, par le docteur Carret, y fut assez mal accueillie. On ne s’expliquait pas comment un poêle de fonte pouvait, plus qu’un poêle de toute autre matière, occasionner des accidents. M. Regnault combattit l’opinion de l’auteur, en affirmant que le défaut de ventilation des pièces était la seule cause des accidents occasionnés par les poêles. On laissa donc tomber, sans s’en occuper davantage, la question soulevée par le médecin de Chambéry.

Cependant l’auteur ne se tint pas pour battu. Il continua ses observations, et adressa au Ministre de l’agriculture et du commerce, un second mémoire, qui fut soumis par le Ministre, à l’examen du Comité consultatif d’hygiène publique.

Dans ce nouveau mémoire, M. Carret signalait la véritable cause du mal, qu’une observation plus attentive lui avait permis de saisir. Selon M. Carret, le gaz oxyde de carbone a la propriété de passer à travers la fonte échauffée, de transpirer, pour ainsi dire, à travers les pores de ce métal.

Cette explication paraissait à l’auteur devoir rendre compte de tout ce qui avait été observé jusque-là. Si les poêles en fonte sont nuisibles à la santé, c’est que la fonte, disait M. Carret, est perméable au gaz oxyde de carbone, et que l’oxyde de carbone est une substance vénéneuse au plus haut degré. L’inspiration de l’air contenant quelques millièmes de ce gaz suffit à provoquer des accidents qui deviennent mortels si la proportion du gaz oxyde de carbone est plus considérable.

Dans ce nouveau travail, M. Carret rappelait les observations qu’il avait faites dans le département de la Haute-Savoie, relativement aux effets pernicieux des poêles en fonte. Nous les résumerons en peu de mots.

C’est dans l’hiver de 1860 que se déclara, pour la première fois, cette singulière épidémie. Elle fut observée pendant plusieurs hivers consécutifs, à partir de 1860, et jamais pendant l’été, c’est-à-dire pendant la saison où les appareils de chauffage sont supprimés. Elle ne se manifestait que chez les personnes faisant usage de poêles de fonte, et jamais dans les maisons où l’on avait recours à un autre système de chauffage, comme les cheminées, les calorifères et les poêles de faïence.

M. Carret cite un village de l’arrondissement de Chambéry, d’une population de 1 400 habitants, où l’on constata 80 malades et 29 décès. Dès que les malades étaient soustraits à l’influence pernicieuse dont il s’agit, dès qu’ils étaient transportés dans un hôpital, par exemple, tout symptôme fâcheux disparaissait.

Jusqu’en 1860, le lycée de Chambéry n’avait compté presque aucun malade dans sa