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Cette quantité totale, et à peu près constante, de chaleur rayonnante que peut donner un combustible, doit être divisée en deux parts : la chaleur qui rayonne directement par le foyer, — et c’est la seule qu’utilisent les cheminées ordinaires ; — et la chaleur rayonnée par les conduits de la fumée, ou les autres corps que peut chauffer le combustible. Les poêles ne réchauffent que de cette seconde manière.

La quantité de chaleur donnée par nos meilleures cheminées, ne s’élève guère qu’à 12 ou 14 pour 100 de la chaleur développée par le combustible ; un volume d’air considérable est chauffé en pure perte, au point de vue du rendement calorifique, et s’écoule à l’extérieur.

De là ce mot de Franklin : « La cheminée est le meilleur moyen de se chauffer le moins possible, en brûlant la plus grande quantité possible de bois. »

L’air appelé par la cheminée en sort, en effet, avec une température qui peut dépasser 100 degrés[1], et avec une vitesse de 1m,40 à 2 mètres par seconde. Les poêles, au contraire, n’admettant guère plus d’air qu’il n’en faut pour la combustion, et refroidissant la fumée au sein de leurs tuyaux, peuvent, quand ces conduits ont une longueur considérable, ne rejeter que des gaz à peu près refroidis, et utiliser par conséquent la presque totalité de la chaleur émise par le combustible.

Si les cheminées consomment beaucoup et réchauffent peu ; si elles ont, en outre, le désagrément d’appeler par tous les joints des portes et des fenêtres, des vents coulis, qui viennent glacer le dos, pendant qu’on a la face grillée par le foyer, elles présentent l’inappréciable avantage d’égayer par le spectacle d’une belle flamme et par les petits épisodes de la combustion de la bûche, qui, d’abord, flambe joyeusement, puis laisse un brillant tison, qui s’envole en un millier d’étincelles.

La verve des poëtes a décrit de mille manières le bonheur de rêver au coin du feu, le plaisir de tisonner et d’édifier des châteaux de feu, qui croulent plus vite encore que les châteaux en Espagne ! Les gens du monde disent, plus simplement, que le feu tient compagnie, et nous sommes de leur avis. Ajoutons que l’énorme quantité d’air que le tirage appelle, renouvelle incessamment l’atmosphère de la pièce. Aussi le chauffage par les cheminées est-il le plus salubre, en même temps que le plus agréable de tous les moyens de chauffage.

Voilà les avantages certains, le côté séduisant et utile de la cheminée. Mais, hâtons-nous de le dire, pour revenir à Rumford, toutes ces qualités n’existaient pas au même degré avant le célèbre physicien français. Quelques passages extraits de son ouvrage feront comprendre, mieux que tout ce que nous pourrions en dire, quels furent les travaux de ce savant.

« Dans le cours de mes diverses expériences, et de la pratique que j’ai acquise en rectifiant la construction des cheminées qui fument, je n’ai jamais été obligé, dit Rumford, excepté dans un seul cas, d’avoir recours à un autre moyen que celui de réduire le foyer, et ce que j’appellerai la gorge de la cheminée, c’est-à-dire la partie inférieure du tuyau qui est immédiatement au-dessus du foyer, à de justes formes et proportions[2]. »

Ici Rumford se trompe, par excès de modestie. Il fit plus que réduire les dimensions de la gorge et celles du foyer ; il avança encore le foyer du côté de la pièce, et changea la forme des pieds droits, comme le prouveront les extraits qui vont suivre, ainsi que les figures que nous reproduirons d’après son ouvrage.

« Le résultat de plusieurs expériences faites avec le plus grand soin à l’aide du thermomètre, dé-

  1. Manuel pratique du chauffage et de la ventilation, par M. le général Morin, in-8. Paris, 1868.
  2. Essais politiques, économiques et philosophiques, par Benjamin, comte de Rumford, traduit de l’anglais, 2 vol. in-8. Genève, 1799.