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 Le gaz, poursuivant sa carrière,
Versait des torrents de lumière
Sur ses obscurs blasphémateurs.

Aussi, dès que son emploi dans les principaux établissements publics eut mis hors de doute ses avantages, dès que l’expérience acquise pour la fabrication et le mode de distribution du gaz, l’installation et l’entretien des appareils, eurent assuré au nouveau système la régularité et la perfection indispensables à un service public, l’autorité municipale de Paris prit-elle la résolution d’employer le gaz pour l’éclairage des rues.

C’est le 1er janvier 1819, que l’on vit réalisée à Paris la première application du gaz à l’éclairage de la capitale.

Par un beau soir d’hiver, quatre lanternes à gaz se montrèrent tout à coup, au milieu des réverbères à l’huile de la place du Carrousel. Le lendemain, une douzaine de lanternes semblables prirent rang sur la file des réverbères de la rue de Rivoli. Cette lumière, d’une blancheur éclatante, faisait rougir la clarté des réverbères placés dans son voisinage. La comparaison était aussi facile que convaincante, et la foule applaudissait. Elle ne trouvait pas, comme Charles Nodier et Amédée Pichot, que le gaz eût le défaut de trop éclairer.

Les premiers candélabres construits d’après le modèle qui devait devenir général, parurent dans la rue de la Paix et sur la place Vendôme, au mois d’avril 1819. Le 7 août, on éclaira la rue Castiglione ; le 1er septembre, le carrefour, la rue et la place de l’Odéon. Le 1er novembre, le duc d’Orléans fit établir le nouveau mode d’éclairage dans les galeries du Palais-Royal.

Pendant les années suivantes, l’administration municipale continua cette œuvre utile, avec une persévérance remarquable, et Paris vit en quelques années, la plupart de ses rues, de ses promenades, de ses places et de ses quais, s’embellir de ces élégants appareils d’illumination, qui vinrent lui donner un aspect original et nouveau. Dans son ardeur pour la diffusion de ce mode d’éclairage, M, de Rambuteau alla jusqu’à en doter un établissement où chandelle, huile et bougie, soleil même, doivent paraître, hélas ! assez indifférents : l’Institution des Aveugles.

Toutefois les usines établies ne prospéraient pas. La Compagnie Winsor avait dû se mettre en liquidation, et la Compagnie Pauwels était aux prises avec de grandes difficultés. Louis XVIII, qui voulait attacher son nom au souvenir de quelque création sérieuse, voyait avec peine qu’une industrie déjà florissante en Angleterre fût languissante parmi nous. Il ne fut donc pas difficile d’obtenir de la liste civile les fonds nécessaires pour continuer l’éclairage du Luxembourg et d’autres quartiers, éclairage que les compagnies existantes ne pouvaient exécuter. Le roi devint ainsi, par le fait, entrepreneur d’éclairage. Lorsque cette circonstance fut connue à la cour, on s’empressa de souscrire des actions, et de là est venu le nom de Compagnie royale que porta la nouvelle société. Cependant, lorsque le but qu’il s’était proposé se trouva atteint, Louis XVIII comprit qu’il en avait assez fait, et il ordonna la vente de l’usine à gaz. Elle fut adjugée pour la moitié de la somme qu’elle avait coûté.

La compagnie qui se forma dans ces circonstances, et qui prit le nom de Compagnie française pour l’éclairage au gaz, établit son siège près de la barrière des Martyrs. Elle ne prospéra pas néanmoins ; elle dut se mettre en liquidation, et le résidu de son capital fut réuni à celui d’une nouvelle compagnie qui s’était fondée, la Compagnie Manby-Wilson.

Cette dernière compagnie, fondée en 1824, en même temps que la Compagnie française, commençait à faire de beaux bénéfices. La fusion de la Société française, avec la Compagnie Manby-Wilson, doubla les forces de cette dernière, et à partir de ce moment ses affaires prirent un développement énorme. Directeurs et actionnaires firent, à cette