Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plètement cette erreur dans l’esprit du peuple.

En 1815 Guildhall, c’est-à-dire l’Hôtel de ville de Londres, fut éclairé au gaz. L’inauguration avait été réservée pour le plus grand jour de fête de la ville, le 9 novembre. L’éclat de la lumière du gaz fut fort admiré.

Le gaz se vendait à cette époque, 58 centimes le mètre cube, et il ne trouvait que de rares débouchés. Comme le compteur n’était pas encore inventé, la quantité de gaz brûlé était estimée avec assez de justesse, quand on prenait les précautions convenables, mais trop souvent les estimations étaient loin de la vérité. Aussi les actionnaires de la Compagnie ne recevaient-ils aucun dividende. On était continuellement obligé de modifier ou de transformer les appareils des usines, de sorte que les revenus étaient absorbés entièrement par les changements, les réparations ou la construction de nouvelles machines, et par des essais pour arriver à de meilleurs résultats.

Tous les objets nécessaires à une usine à gaz coûtaient extrêmement cher. On ne pouvait à aucun prix se procurer des ouvriers. Il fallait les créer, c’est-à-dire que l’on avait d’abord à trouver des hommes capables et désireux d’apprendre, et ensuite à les instruire dans cet art nouveau.

En 1815, Samuel Clegg inventa et fit breveter le compteur à gaz. Cet appareil consista d’abord simplement en deux vessies, renfermées dans des caisses d’étain, et qui se remplissaient et se vidaient alternativement par le gaz qui les traversait avant de se rendre aux becs. Leur communication avec les becs était établie au moyen de soupapes hydrauliques à mercure. Mais les vessies étaient détruites par les impuretés que le gaz y déposait. On essaya ensuite, mais sans de meilleurs résultats, le cuir et d’autres membranes recouvertes d’un vernis et de feuilles d’or. On eut recours alors à des vases métalliques fonctionnant de la même manière que les vessies, mais on ne s’en trouva pas mieux. Le compteur sec fut alors abandonné, et le compteur à eau, chef-d’œuvre de mécanique, fut enfin imaginé par Samuel Clegg.

Cependant tous ces essais ne s’exécutaient pas sans des dépenses considérables. Jusqu’à l’année 1816 la Compagnie (Chartered Company gas) se traîna sans faire de pertes ni de bénéfices. Il fut reconnu, à cette époque, qu’elle allait être ruinée si l’on n’augmentait ses privilèges, et si on ne lui accordait à perpétuité l’exploitation de l’éclairage dans toute la Grande-Bretagne.

Pour atteindre ce but suprême, Winsor, qui faisait partie des directeurs de la Compagnie, mit tous les ressorts en jeu. Un nouveau comité d’enquête ayant été institué auprès de la Chambre des communes, il fit de nouveau passer sous les yeux de la commission, une série de témoins officieux, qui rendirent aux qualités du gaz un hommage sans réserve. Tout le monde demandait que la nouvelle industrie fût encouragée. Les marchands et les manufacturiers assuraient tous que le gaz avait des avantages bien supérieurs à ceux de l’huile. Il n’y eut pas jusqu’aux agents de police qui vinrent déclarer que le gaz était pour eux un puissant auxiliaire, et qu’à sa clarté ils apercevaient bien mieux un voleur.

Ce qu’il y avait de sérieux dans ces témoignages, et ce qui frappa surtout le parlement, c’est que l’établissement de ce système d’éclairage devait créer en Angleterre, avec de grands débouchés pour les houilles du pays, d’autres produits nouveaux, tels que du goudron, des huiles minérales, des sels ammoniacaux, etc., susceptibles de recevoir dans l’industrie des applications utiles.

Il restait néanmoins un point essentiel à éclaircir. On avait signalé des explosions dans les boutiques de Londres, et la commission d’enquête voulait être bien édifiée sur ce fait. On demanda, en conséquence, des renseignements positifs sur les chances d’explosion que présente un mélange de gaz