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en 1813. Dès 1811, trompée par des hommes qui lui avaient offert leurs dangereux services, elle avait été obligée d’abandonner les travaux de son mari.

Nous signalerons, en terminant ce chapitre, un fait que nous n’avons trouvé consigné dans aucun des documents que nous avons consultés pour les récits que l’on vient de lire[1]. En 1811, un industriel belge, nommé Ryss-Poncelet, qui avait essayé d’éclairer par le gaz extrait de la houille l’usine de Poncelet, à Liège, proposa à la veuve Lebon d’unir à son propre procédé celui de Philippe Lebon, Ryss-Poncelet avança une petite somme pour faire ces essais, et il appliqua ce mode d’éclairage, c’est-à-dire le gaz extrait de la houille, dans deux ou trois boutiques du passage Montesquieu, à Paris. Mais Ryss-Poncelet, homme de peu de mérite, avait mal établi ses appareils. Placés dans la cave d’une maison, ils laissaient dégager des vapeurs dangereuses. Le chimiste d’Arcet qui les visita, par ordre de la Société d’encouragement, à l’occasion du rapport dont nous venons de parler, ne put que les blâmer.

C’est ce qui résulte du passage suivant des Mémoires de la Société d’encouragement publiés à la fin de 1811 :

« Dans le Bulletin du mois d’octobre dernier nous rendîmes compte des succès obtenus à Liège par M. Ryss-Poncelet, dans l’éclairage par le gaz hydrogène extrait de la houille, et nous annonçâmes en même temps qu’incessamment l’un des passages de la capitale serait éclairé par ce nouveau moyen. Ce mode d’éclairage est établi depuis un mois dans les galeries Montesquieu, Cloître-Saint-Honoré. Dans chacun de ces passages, trois lampes à double courant d’air, garnies de réflecteurs paraboliques et suspendues dans des lanternes de verre, répandent une lumière blanche très-éclatante ; le gaz hydrogène obtenu de la houille dans un appareil placé dans la cave, arrive à ces lampes par des tuyaux en fer-blanc disposés le long des murs du passage. Le public se porte en foule pour jouir de cet éclairage, et son opinion commence à se former sur son utilité. En effet, il réunit tous les avantages qu’on peut désirer : économie de dépense, facilité de service et intensité de lumière. On peut le regarder dès à présent comme une branche active de notre industrie, et l’on éprouve déjà les heureux effets qu’a produits le prix que la Société a décerné à madame Lebon dans sa séance générale du 4 septembre 1811, pour le thermolampe inventé par feu son mari. Le gouvernement a senti toute l’importance des services rendus à l’industrie par cet habile ingénieur et les avantages que ne peut manquer de produire sa découverte. La Société ayant recommandé sa veuve à la bienveillance de S. Exc. le Ministre de l’intérieur, il lui a été accordé une pension de 1 200 francs annuellement.

« Les commissaires nommés par la Société pour examiner l’appareil de M. Ryss-Poncelet, se sont assurés que l’odeur qui s’est fait sentir parfois dans le passage ne doit pas être attribuée au gaz hydrogène qui pourrait échapper à la combustion dans le tube de la lampe, mais seulement à la fumée du charbon de terre provenant des fourneaux qui sont placés dans les caves, et qui ont été construits à la hâte.

« On doit un juste tribut d’éloges à M. Marcel, qui a construit les lampes et les réflecteurs employés par M. Ryss-Poncelet, et qui a ainsi contribué au succès de cette entreprise, et en général à l’adoption de ce nouveau moyen d’éclairage, qui n’est sujet à aucun accident, comme on paraissait le craindre.

« Les commissaires de la Société rendront un compte plus détaillé des travaux de M. Ryss-Poncelet, et établiront, d’après des expériences comparatives, le rapport d’intensité de lumière qui existe entre la lampe au gaz hydrogène, la lampe à huile, la chandelle et la bougie. »

Le rapport annoncé dans cette note, rédigée par d’Arcet, ne parut pas. C’est que les appareils que Ryss-Poncelet avait établis dans la cave d’une maison du passage Montesquieu, répandaient, comme nous l’avons dit, des vapeurs de charbon ou d’hydrogène sulfuré qui incommodaient les voisins. Après l’examen qu’en fit d’Arcet, ces appareils

  1. Les détails qui précèdent sont empruntés à trois notices, publiées à des époques différentes, à savoir :

    1o Note sur l’invention de l’éclairage par le gaz hydrogène carboné et sur Philippe Lebon d’Humbersin, par M. Gaudry, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats à la Cour impériale de Paris (in-8o, 10 pages, Paris, 1856). Extrait du journal l’Invention ;

    2o Notice sur les travaux de M. Lebon d’Humbersin, ingénieur, inventeur des thermolampes (in-8o, 8 pages, Paris, 1862), extrait du journal l’Invention ;

    3o Lebon d’Humbersin, ses travaux dans l’invention du gaz et des machines à vapeur, par M. J. Gaudry, ingénieur au chemin de fer de l’Est (Revue contemporaine, 30 septembre 1865, pages 224-246).