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image ordinaire : le grand problème est résolu, bientôt le résultat en sera confié à tous ceux qui voudront payer un prix modéré. »

En même temps, le Daguerrian Journal, autre recueil américain consacré aux arts photographiques, se répandait en éloges sur la découverte de M. Hill. L’éditeur de ce journal se présentait comme le confident secret de l’inventeur, et fatiguait sa plume de descriptions enthousiastes. Il écrivait dans son numéro de mai 1851 : « Si Raphaël avait vu une seule de ces épreuves avant de terminer la Transfiguration, il eût jeté sa palette et pour jamais renoncé à peindre. » Il baptisait du nom de Hillotype un instrument que personne n’avait vu, et publiait le portrait de M. Hill, qu’il considérait comme « l’un des plus grands hommes qui aient vécu. »

Le résultat de ces manœuvres était facile à deviner. Un véritable enthousiasme éclata pour le nouveau révélateur. Au milieu des élans de l’admiration générale, on ne remarquait aucune des contradictions qui éclataient à chaque assertion nouvelle émise par l’inventeur. Sa maison était assiégée de personnes qui venaient lui offrir une association ou lui proposer d’acheter son brevet. À toutes ces offres, M. Hill répondait, avec beaucoup de calme, que, pour bien s’entendre, il fallait commencer par étudier avec lui les éléments de la photographie ; il recueillait ainsi des élèves au prix de 50 dollars pour quelques leçons.

Bientôt le nombre des visiteurs et des élèves devint si grand, que M. Hill fit annoncer qu’à dater de ce jour il fermait sa porte à tout le monde.

Cependant quelques personnes douées de pénétration n’hésitèrent pas à prédire que le révérend trouverait quelque autre moyen d’exploiter l’enthousiasme public, et qu’à cet effet, une nouvelle brochure ne tarderait pas à voir le jour. On ne se trompait pas. Les photographes reçurent le prospectus d’une quatrième édition du même ouvrage, au prix de trois dollars. Ce prospectus reproduisait les articles pleins d’éloges publiés jusque-là par les différents journaux, et citait les noms de plusieurs personnes honorables qui avaient visité l’auteur, ce qui semblait placer l’invention sous leur patronage. En même temps le lecteur était informé que le meilleur moyen de prendre place dans les souvenirs de M. Hill, était de lui adresser la demande d’un exemplaire au prix indiqué.

Cette quatrième publication parut au mois de mai, avec les fleurs et les beaux jours. Comme la précédente, elle procura un bénéfice considérable à son heureux auteur.

Mais les plus belles choses ont leur terme en ce monde, et, si bien ourdie qu’elle fût, cette mystification ne pouvait pas toujours durer. Elle se termina par la circonstance même qui l’avait produite ; née de l’intérêt particulier, elle s’évanouit par la résistance des intérêts qu’elle menaçait. Les fabuleuses annonces de M. Hill portaient un immense préjudice aux photographes de New-York et des États environnants. Partout leurs travaux étaient suspendus : chacun voulait attendre la mise en pratique du nouveau système, et traitait fort cavalièrement les anciens procédés. L’inventeur se trouva donc assailli de réclamations, et sommé, sous toutes les formes, de s’expliquer, sans plus de détours, sur la réalité de sa découverte.

Le directeur du Photographic Journal, qui avait plus particulièrement prôné et patronné M. Hill, fatigué de ses réponses évasives, voulut le mettre en demeure de s’expliquer d’une manière catégorique. Il lui proposa donc de désigner dix à douze photographes auxquels il se contenterait de montrer ses épreuves, avec toutes les précautions qu’il jugerait nécessaires, et en exigeant d’eux toutes les garanties de discrétion qu’il pourrait imaginer. Cette proposition si modérée, puisque tout se bor-