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sur l’écran où on les reçoit, une image oblongue dans laquelle on retrouve isolées toutes les couleurs simples qui composent la lumière blanche ; on y voit assez nettement indiqués le rouge, l’orangé, le jaune, le vert, le bleu, l’indigo et le violet. On donne le nom de spectre solaire à cette bande colorée qui provient de la décomposition de la lumière.

C’est là l’image que M. Edmond Becquerel est parvenu, en 1848, à imprimer sur une plaque d’argent préalablement exposée à l’action du chlore. Ce fait démontre que la reproduction photogénique des couleurs n’est pas impossible, puisqu’il existe des agents chimiques capables de s’impressionner au contact des rayons lumineux, de manière à conserver les teintes des rayons qui les ont frappés.

Antérieurement, le physicien Seebeck et sir John Herschell, avaient vu le chlorure d’argent prendre quelques nuances analogues à celles de la région du spectre qui le frappait ; et M. Hunt, en 1840, avait vu la même substance, exposée au soleil sous des verres colorés, se revêtir de nuances rappelant celles de ces verres.

De l’ensemble de ces faits, on pouvait conclure que la production photogénique des couleurs n’est pas impossible, puisqu’il existe des substances capables de s’impressionner diversement au contact des rayons lumineux différemment colorés.

Voici comment opérait M. Edmond Becquerel. Il plongeait une lame de plaqué d’argent dans une dissolution aqueuse d’acide chlorhydrique, où elle se recouvrait d’une couche de sous-chlorure d’argent, d’un violet rose, sous l’action d’une faible pile de Bunsen. La plaque ainsi préparée, exposée aux rayons du spectre solaire, ne tardait pas à s’impressionner de teintes correspondantes. Quand cette exposition était prolongée, les teintes se prononçaient davantage, mais, en même temps, elles s’assombrissaient. Recuite dans l’obscurité, à une température de 80 à 100 degrés, la plaque prenait une couleur de bois ; mais dès qu’elle s’était refroidie, le spectre s’y imprimait avec des nuances vives et claires.

L’expérience de M. Becquerel, tout en présentant une valeur théorique très-grande, ne fournissait malheureusement aucun moyen pratique d’arriver à la reproduction des couleurs. En effet, cette image colorée ne peut être fixée par aucun agent chimique ; lorsqu’on l’expose à la clarté du jour, le chlorure d’argent continuant de s’impressionner, la surface entière de la plaque devient noire, et toute image disparaît ; pour l’empêcher de se détruire, il faut la conserver dans une obscurité complète.

Une autre circonstance défavorable, c’est l’extrême lenteur avec laquelle s’accomplit l’impression lumineuse. L’action directe du soleil s’exerçant pendant deux heures, est indispensable pour obtenir un effet : aussi les images de la chambre obscure sont-elles trop faiblement éclairées pour agir ainsi sur la plaque ; des journées entières n’y suffiraient pas.

Il faut mentionner enfin une circonstance plus grave. Les couleurs simples, les teintes isolées du spectre, sont jusqu’ici les seules que l’on ait pu fixer par le procédé qui vient d’être décrit ; les teintes composées, c’est-à-dire toutes celles qui appartiennent aux objets éclairés par la lumière ordinaire, ne s’impriment jamais sur le chlorure d’argent : les objets blancs, par exemple, au lieu de laisser cette couleur sur la plaque, s’y impriment en noir.

Néanmoins, en choisissant convenablement les modèles, M. Edmond Becquerel a pu obtenir la reproduction de certaines estampes coloriées. Ayant appliqué une estampe enluminée sur la couche métallique traitée comme on l’a dit plus haut, et exposé le tout au soleil, M. Becquerel a vu l’estampe s’imprimer avec ses couleurs. Il a reproduit de