Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/742

Cette page a été validée par deux contributeurs.

belles, qu’elles obtinrent immédiatement la préférence sur tous les marchés.

Les avantages de la nouvelle industrie créée par les soins de l’exilé irlandais, frappèrent si bien ses voisins du rivage, qu’ils ne tardèrent pas à imiter son exemple. En peu de temps, toute la vasière fut couverte de bouchots.

Aujourd’hui ces pieux, avec leurs branchages, forment dans la baie de l’Aiguillon, une véritable forêt. Environ 230 000 pieux y soutiennent 125 000 fascines, qui, selon l’expression de M. Coste, « plient tous les ans sous une récolte qu’une escadre de vaisseaux de ligne ne pourrait suffire à renfermer. »

Dans la baie de l’Aiguillon, les palissades des bouchots ont environ 200 à 250 mètres de longueur, sur 2 mètres de haut. Ces bouchots, qui sont au nombre de 500, s’étendent sur une longueur de 8 kilomètres.

Les pieux isolés ne se découvrent qu’aux grandes marées des syzygies. Nous avons déjà dit que ce sont là les points d’appui spéciaux sur lesquels s’accumule la semence nouvelle. Aux mois de février et de mars, cette semence égale à peine le volume d’une graine de lin. Au mois de mai, elle a la grosseur d’une lentille ; en juillet, celle d’un haricot : c’est le moment de la transplantation.

Au mois de juillet, les hommes du rivage qui se consacrent à cette culture de la mer, les boucholeurs, comme on les nomme, poussent leurs petites embarcations vers le point de la vasière où sont plantés ces pieux collecteurs. Ils détachent, à l’aide d’un crochet, les plaques de Moules agglomérées, et recueillent ces plaques dans des paniers. Ils dirigent ensuite leur embarcation vers les bouchots.

Ces bouchots, c’est-à-dire ces pieux revêtus de fascines (fig. 604), sont souvent de hauteurs différentes : ils forment pour ainsi dire plusieurs étages, selon l’âge et le développement de la Moule. Chacun de ces étages reçoit le mollusque en train de croître et de se développer.

Fig. 604. — Pieux isolés, dits bouchots.

Dans le premier degré, pour ainsi dire, les Moules qui, dans leur premier âge, redoutent beaucoup l’exposition à l’air, demeurent constamment couvertes par l’eau, sauf aux époques de grandes marées. C’est dans cette première région que l’on porte les Moules à l’état de naissain, ou développées. On enferme dans des sacs en vieux filet des grappes de Moules liées ensemble par leurs byssus, et l’on suspend ces grappes dans les interstices des clayonnages. Le filet des sacs se pourrit et se détruit bientôt, et chaque colonie continue à croître rapidement et sans arrêt. Les Moules finissent bientôt par se toucher, « et ces immenses palissades, dit M. Coste, se couvrent de grappes noires de moules développées entre les mailles de leur tissu. »

On peut dès lors éclaircir les rangs trop serrés, pour faire place à des générations plus jeunes. On détache donc les moules qui, grâce à leur développement, ne redoutent plus autant le contact fréquent de l’air, et on les transporte dans les bouchots plus élevés, qui restent à découvert pendant toutes les marées. C’est avec un crochet de fer que nous représentons ici (fig. 605) qu’on détache ces Moules ; on les renferme pour les