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d’huîtres ; il s’y accroche, il s’y fixe, et ayant une fois trouvé son point d’appui sur cette agglomération de corps étrangers, il peut continuer à vivre et parvenir à l’état adulte.

Ces conditions favorables, réalisées par la nature dans les bancs d’huîtres, ont été quelquefois imitées par l’art. On a vu dans le second chapitre de cette Notice, que les habitants des rives du lac Fusaro obtiennent d’abondantes récoltes en disposant autour de la circonférence d’un banc d’huîtres naturel, des pieux et des fascines immergés sous les eaux et s’élevant de quelques pieds au-dessus du niveau du lac. Quand le naissain des huîtres vient à s’échapper, le courant, ou peut-être le mouvement propre des jeunes individus, les dirige contre ces pieux et ces branchages. Ils s’attachent à ces corps étrangers, ils y vivent et y prospèrent. Quand les huîtres ainsi artificiellement sauvées des causes de destruction qui les menaçaient, sont parvenues à l’état adulte, on retire de l’eau les pieux et les fascines submergés, et c’est ainsi que les ingénieux riverains du lac Fusaro se procurent annuellement d’abondantes récoltes de ce produit comestible.

Le lecteur devine sans peine, d’après les détails qui précèdent, en quoi devait consister la grande expérience de Saint-Brieuc, à laquelle nous revenons maintenant. M. Coste se proposait de reproduire sur une plus grande échelle l’ingénieuse opération du lac Fusaro. Après avoir déposé au fond du golfe les trois millions d’huîtres au moment de la ponte, il restait à disposer dans le voisinage de leurs gisements, des amas de corps étrangers, sur lesquels les jeunes bivalves sortant de la coquille maternelle, pussent s’arrêter, se fixer, pour s’y développer et grandir.

Les corps étrangers dont on a fait usage à Saint-Brieuc pour retenir les jeunes générations d’huîtres, sont de deux sortes. À l’aide du même équipage qui avait servi à distribuer les huîtres mères au fond du golfe, on a jeté par-dessus ce lit, une certaine quantité d’écailles vides d’huîtres et d’autres coquillages, objets sans valeur, ramassés sur les bords de l’Océan. Cette couche de corps étrangers offrait déjà une certaine prise au naissain. On avait donc, par ce premier moyen, reproduit les dispositions des bancs d’huîtres naturels.

Par un second moyen, on a imité les pratiques en usage au lac Fusaro. Par-dessus le lit d’écailles vides qui offraient un premier abri à la jeune génération, on a disposé une masse de branchages ou de fascines. Seulement, à cause de leur légèreté spécifique, il fallait, par quelque artifice, maintenir ces branchages flottants au-dessus du gisement huîtrier. Ces branchages, de 4 à 5 mètres de long, étaient attachés par le milieu de leur longueur à une grosse pierre. Des hommes, revêtus de l’appareil du plongeur en usage dans nos ports, c’est-à-dire revêtus du scaphandre, descendent tout cet attirail au fond de l’eau, de manière à le maintenir, par le poids de la pierre servant de lest, à 30 ou 40 centimètres au-dessus du fond producteur.

Nous n’avons pas besoin de dire que l’on a dressé des cartes spéciales qui, au moyen de signes particuliers de reconnaissance, permettront d’aller relever, l’une après l’autre, les fascines submergées, et d’en extraire la récolte avec autant de facilité que peut le faire un horticulteur recueillant les fruits de ses espaliers.

Il fallait organiser un système de surveillance, pour assurer l’intégrité et le bon état de ces aménagements divers. Deux bâtiments de l’État, le Pluvier et l’Éveil, stationnés au point opposé du golfe Saint-Brieuc, l’un à Pontrieux, l’autre à Daoûet, croisèrent tous les jours, sur les bancs artificiels, pendant qu’un petit côtre, construit pour cette affectation spéciale, parcourait sans cesse le golfe, pour compléter la surveillance, et concourir, par un travail assidu, aux nécessités quotidiennes de l’exploitation.