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même individu, qui se féconde ainsi lui-même. Vers les mois d’avril ou de mai, la fécondation spontanée s’étant opérée chez ce mollusque, les embryons se trouvent réunis dans une enveloppe particulière, située vers le bord extérieur de la coquille. Ils s’y trouvent en masses innombrables, car une seule huître porte jusqu’à deux millions d’embryons. Parvenus à leur état complet, ces jeunes individus sont rejetés par l’huître mère, qui abandonne au courant des eaux son innombrable progéniture. Cet espoir de la patrie s’échappe sous la forme d’un nuage blanchâtre, qui vient troubler un moment la transparence du liquide.

Ce que nous venons de rappeler était connu depuis bien longtemps ; mais ce qui n’avait pas été observé jusqu’à ces dernières années, ce sont les particularités d’organisation de l’huître, dans les premiers jours qui suivent son expulsion de la coquille maternelle. On sait maintenant que les produits de la ponte des huîtres, ne sont pas des œufs fécondés, comme on l’avait toujours admis, mais bien des individus complets, déjà pourvus de leurs coquilles et de leurs principaux organes. Pendant les premiers jours qui suivent leur expulsion, ils sont même porteurs d’un organe qui leur est spécial et qui n’existe pas chez l’huître adulte : c’est un véritable organe de locomotion. Si l’on regarde au microscope ce que l’on a improprement nommé la semence d’huîtres, et qui n’est nullement, comme on l’avait pensé, une agglomération d’œufs, mais une réunion de jeunes individus complets, il est facile de reconnaître, sur un certain nombre d’entre eux, une sorte de bourrelet faisant saillie sur la coquille et qui se trouve appliqué contre l’un de ses bords. Ce bourrelet est de nature musculaire. On ne sait pas encore exactement pendant combien de jours après sa naissance l’individu reste pourvu de cet organe ; mais ce qui est certain, c’est que c’est un véritable instrument de locomotion, qui permet au jeune mollusque, pendant les premiers jours qui suivent sa naissance, d’exécuter des mouvements propres, de se diriger, en un mot, de jouir pendant quelque temps, de la faculté de locomotion qui est refusée à l’huître adulte.

Nous représentons sur la figure 589 les différents degrés du développement de l’huître. On voit que l’appareil de natation propre à l’huître jeune, disparaît quand l’huître, plus âgée, s’est fixée sur un point solide pour y passer sa vie.

Fig. 589. — Huîtres venant de sortir du manteau de la mère ; grossies 140 fois, vues par un de leurs côtés.

Pour que l’huître jeune puisse vivre et atteindre son entier développement, il faut qu’elle trouve à sa portée un corps solide, sur lequel elle puisse se fixer. Mais que d’obstacles avant d’en venir là ! De combien d’ennemis le jeune mollusque n’a-t-il pas à triompher ! De quelles embûches, de quels périls n’a-t-il pas à se tirer ! Pour vivre, pour se maintenir au sein des eaux de la mer jusqu’au bienheureux moment où le jeune bivalve aura pu se fixer sur un abri solide, il faut qu’il soit préservé des courants vio-