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il est vendu à des marchands, qui en remplissent des viviers, et en font le commerce dans toute l’Italie. Mais la plus grande partie est desséchée ou salée sur place, pour être exportée, plus tard, en Europe.

M. Coste a décrit avec beaucoup de détails, dans son Voyage d’exploration sur le littoral de la France et de l’Italie, les procédés de conservation et de dessiccation qui sont mis en usage dans la manufacture de Comacchio. Nous en donnerons un résumé succinct.

Les anguilles, un des produits principaux de la pêche, sont rôties à la broche. Pour cela, un ouvrier nommé tagliatore (tailleur) coupe, avec une petite hache, la tête et la queue de l’anguille, et des femmes, réunissant tous ces tronçons, les embrochent sur de petites tiges de fil de fer, comme le représente la figure 537.

Fig. 537. — Broche garnie d’anguilles.

Les broches ainsi chargées passent aux mains d’autres femmes, qui les posent sur des crochets plantés en travers d’une cheminée, bien garnie d’un feu de branches sèches. On place parallèlement devant la cheminée, sept à huit de ces broches.

« L’art de gouverner les broches, dit M. Coste, est la plus importante de toutes les opérations de la manufacture ; il rend efficaces toutes les manipulations subséquentes, on les fait échouer, suivant qu’il est habilement ou maladroitement exercé. Il consiste à descendre successivement, et en temps opportun, chacune des broches d’un échelon à l’autre, depuis le premier jusqu’au dernier.

« La femme qui est chargée de cette difficile manœuvre doit donc, sans jamais perdre de vue les rangs supérieurs, veiller sur la broche la plus inférieure, exposée aux plus fortes atteintes du feu, et la tourner plus fréquemment que les autres. Il y a un degré de rissolé et de cuisson qu’il faut obtenir, et qu’il ne faut pas dépasser. Ce degré est celui qu’on donne aux poissons quand on les apprête pour un repas.

« À mesure que le rang inférieur arrive au degré de cuisson qui convient au but qu’on se propose, on retire la broche qui le porte, les rangs supérieurs descendent alors tous d’un cran, et l’on continue ce manége, en ayant soin de remplir les vides, tant que la lagune fournit des éléments à la manufacture. »

La graisse qui s’écoule des anguilles mises à la broche, est recueillie pour servir à frire d’autres poissons, comme il va être dit.

Les Muges, les Dorades, les Soles, les petites Anguilles, ne pouvant être mises à la broche, sont frites dans une poêle, avec un mélange de graisse d’anguille et d’huile d’olive. Des femmes roulent les poissons dans de la farine, avant de les jeter dans l’immense poêle à frire.

Les Anguilles retirées des broches et les poissons sortant des poêles, sont mis à égoutter et à refroidir dans des corbeilles à claire-voie, puis on les arrange méthodiquement dans des barils de formes diverses. Ces barils, nommés zangoli, sont de deux sortes : les uns ont la forme d’un tonneau ordinaire (fig. 538) ; les autres, beaucoup plus petits, ont la forme représentée par la figure 539.

Fig. 538. — Grand zangolo.

Après avoir enlevé les couvercles des barils, on dispose avec régularité les poissons dans ces vases, comme on le fait pour l’em-