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Nous avons rapporté avec plaisir ces pages de notre Olivier de Serres. On y lit, en vieux français, quelle juste part appartient à notre pays dans la propagation du procédé des rigoles couvertes. Cette simple citation peut réduire dans une certaine mesure les prétentions de nos voisins d’outre-Manche, qui se sont proclamés, à tort, les uniques inventeurs de ce procédé agricole.

En effet, Olivier de Serres n’a pas seulement parlé, comme Columelle, de la construction des tranchées isolées : il les a considérées dans leur ensemble, il a décrit le fossé principal, et il est entré dans des considérations propres à assurer l’efficacité des travaux d’assainissement.

Toutefois, si l’Angleterre ne peut se flatter d’avoir inventé le drainage, elle a eu du moins le mérite, comme nous le verrons tout à l’heure, de le perfectionner, de l’appliquer sur une grande échelle, et de constater, la première, l’importance de ses résultats.

On peut, du reste, aller plus loin encore en revendiquant pour la France la découverte du drainage. Une découverte faite de nos jours, tendrait à prouver que l’emploi des tuyaux souterrains pour l’assainissement des terres, serait une invention d’origine française. Nous aurions donc prévenu l’Angleterre dans ce perfectionnement décisif de l’art du drainage. Voici les faits curieux que l’on trouve consignés, dans une lettre qui fut adressée, en 1856, par M. Gustave Hamoir, à M. Barral.

« Il y avait avant 93, dans la petite ville de Maubeuge, un couvent de moines Oratoriens. Le jardin qui entourait ce couvent a été connu de temps immémorial pour la fécondité de son sol. En 1851 on transforma le jardin légumier en un parc anglais et les travaux que nécessita cette transformation firent découvrir deux drainages complets et réguliers faits au moyen de tuyaux et s’étendant sur toute la surface du jardin à une profondeur de 1m,20. La longueur de ces tuyaux est de 275 millimètres et leur largeur prise extérieurement de 80.

« Ils sont en grès et ont été faits à la main sur le tour du potier. Quelle est la date de ce drainage ? On ne la connaît pas exactement. Dans tous les cas, dit M. Hamoir, elle ne peut être postérieure à celle de 1620. Des enterrements datant de cette époque et qui n’ont pu être faits qu’après l’établissement des drains en sont une preuve suffisante.

« Pour ceux qui douteraient, je dirai que ce travail est dû aux moines, parce que, informations prises, on sait qu’il n’a pas été fait depuis 93. Or, à cette époque, l’art du drainage n’était pas plus avancé qu’en 1620 et les moines n’étaient pas meilleurs horticulteurs qu’alors. Il n’y aurait donc rien de merveilleux à ce que cette date fût réelle. »

Nous avons cité ici cette page curieuse de l’histoire du drainage, parce que la date présumée de ces travaux coïncide avec celle de l’apparition du Théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres, livre qui parut avant celui de Walter Blight, le prétendu inventeur du drainage chez les Anglais.

Le passage de cet auteur anglais sur lequel on s’appuie pour lui attribuer la première idée du drainage, est le suivant :

« Quant à la tranchée, écrit Walter Blight, tu dois la faire assez profonde pour qu’elle aille au fond de l’eau froide qui suinte et qui croupit. Un yard ou quatre pieds de profondeur si tu veux drainer à ta satisfaction. Et de nouveau, arrivé au fond où repose la source suintante, tu dois aller plus profond d’un fer de bêche, quelque profond que tu sois déjà, si tu veux drainer ta terre à souhait… Mais pour les tranchées ordinaires que l’on fait souvent à un pied ou deux, je dis que c’est une grande folie et du travail perdu, que je désire éviter au lecteur[1]. »

Mais ces préceptes étaient déjà contenus dans l’ouvrage d’Olivier de Serres. Ils demeurèrent, d’ailleurs, enfouis dans les livres, et ne reçurent aucune application.

Aucun travail de desséchement de ce genre n’existait en Angleterre, lorsque, à la fin du dernier siècle, Elkington, fermier du Warwickshire, inaugura par une véritable découverte, l’ère de l’avénement du drainage dans l’industrieuse et active Angleterre.

Elkington imagina un procédé d’assainissement qui prit son nom et qui consiste dans l’emploi simultané des fossés couverts et des puits.

  1. 3e édition, 1652.