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d’un prix élevé, d’une détérioration facile, d’un poids considérable, d’un transport incommode ; l’absence de tout ce matériel embarrassant, si bien nommé bagage daguerrien, qui rendait difficiles aux voyageurs les opérations photographiques ; la simplicité du procédé, le bas prix des substances chimiques dont on fait usage, tout se réunit pour assurer à la photographie sur papier une utilité pratique véritablement sans limites.

Il est donc facile de comprendre l’intérêt avec lequel le monde des savants et des artistes accueillit, en 1847, les premiers résultats de la photographie sur papier. Le nom de M. Blanquart-Évrard, qui n’était qu’un marchand de draps de Lille, conquit rapidement les honneurs de la célébrité.

Cependant, il se passait là un fait étrange, et qui compte peu d’exemples dans la science. Les procédés publiés par M. Blanquart-Évrard, n’étaient, à cela près de quelques modifications secondaires dans le manuel opératoire, que la reproduction d’une méthode qui avait été publiée six années auparavant, par un amateur anglais, M. Fox Talbot, méthode dont M. Blanquart-Évrard avait eu connaissance, à Lille, par un élève de M. Talbot, M. Tanner. Or, dans son mémoire, M, Blanquart-Évrard n’avait pas même prononcé le nom du premier inventeur, et cet oubli singulier ne provoqua, au sein de l’Académie, ni ailleurs, aucune réclamation. M. Talbot lui-même ne prit pas la peine d’élever la voix pour revendiquer la gloire de l’invention qui lui appartenait. Il se borna à adresser à quelques amis de Paris, deux ou trois de ses dessins photographiques.

En effet, depuis l’année 1834, alors que l’art photographique était encore à naître, M. Talbot avait essayé de reproduire sur le papier, les images de la chambre obscure.

Déjà d’ailleurs, et longtemps avant cette époque, d’autres physiciens, comme nous l’avons dit dans le premier chapitre de cette notice, avaient abordé cette question ; car c’est un fait à remarquer, que les premiers essais de photographie eurent pour objet le dessin sur papier. En 1802, Humphry Davy s’en était occupé, après Wedgwood. Ces deux savants avaient réussi à obtenir, sur du papier enduit d’azotate ou de chlorure d’argent, des reproductions de gravures et d’objets transparents. Ils avaient essayé de fixer également les images de la chambre obscure ; mais la trop faible sensibilité lumineuse de l’azotate d’argent leur avait opposé un obstacle insurmontable. Mais on n’obtenait de cette manière que des silhouettes ou des images inverses, dans lesquelles les noirs du modèle étaient représentés par des blancs, et vice versa. En outre, l’épreuve obtenue, ni Wedgwood ni Davy n’avaient pu réussir à la préserver de l’altération consécutive de la lumière.

Heureusement M. Talbot n’eut point connaissance des essais de Wedgwood et de Davy ; il ignora l’échec que ces grands chimistes avaient éprouvé dans leur tentative. Il avoue que, devant l’insuccès de tels maîtres, il eût immédiatement abandonné ses recherches, comme une poursuite chimérique. Cependant, par un travail de plusieurs années, il parvint à surmonter tous les obstacles. Il résolut complètement la double difficulté de fixer sur le papier les images de la chambre obscure et de les préserver de toute altération consécutive.

Mais la découverte capitale de M. Talbot, celle qui constitue dans son entier la photographie sur papier, ce fut celle du meilleur et du plus puissant agent révélateur que l’on connaisse, c’est-à-dire de l’acide gallique. L’effet de la lumière sur l’iodure d’argent qui recouvre le papier, n’est pas plus appréciable quand on le retire de la chambre obscure, que ne l’est l’image formée sur la plaque daguerrienne. Ces deux images sont également latentes, et il faut un agent révélateur pour les faire apparaître, pour les tirer des profondeurs de la masse où elles sont en-