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Columelle est l’auteur de l’ouvrage le plus étendu que les anciens nous aient laissé sur l’agriculture. Cet ouvrage est divisé en douze livres. Quatre de ces livres traitent de la culture des terres et de l’entretien du bétail ; les autres sont consacrés à la vigne, à l’olivier, aux abeilles, aux arbres et au jardinage. Dans le douzième livre, Columelle donne quantité de recettes empiriques et économiques.

Dans les parties de son ouvrage spécialement consacrées à l’agriculture, Columelle cite assez souvent Virgile et ses Géorgiques, dont il s’est plus d’une fois inspiré.

Palladius, fils d’Exsuperantius, préfet des Gaules, né vers 405 après Jésus-Christ, donne les mêmes conseils qu’avait donnés Columelle, pour la construction des tranchées, et il ajoute :

« L’extrémité de ces tranchées doit aboutir en pente à un fossé ouvert dans lequel toute l’humidité se rendra sans entraîner avec elle la terre des champs. »

Le procédé suivi par les Romains fut probablement transmis par leurs armées victorieuses, aux autres parties du monde. Ainsi la Gaule en conserva l’usage ; car de tout temps, dans la Beauce, la Picardie, la Bresse et la Franche-Comté, etc., on a suivi la méthode décrite par Columelle ; mais presque partout ailleurs elle a été abandonnée.

Olivier de Serres, qui vivait sous Henri IV et qu’on a justement surnommé le Père de l’agriculture française, recommande l’emploi des tranchées souterraines, et insiste sur le besoin de remédier au vice du trop d’eau « qui excède en malice celui des ombrages et celui des pierres, » On lit dans l’ouvrage célèbre d’Olivier de Serres, Théâtre d’agriculture et ménage des champs, les détails qui suivent sur la manière de dessécher les terrains trop humides.

« S’il advient que le champ soit par le dedans occupé de fontaines et sources souterraines croupissantes, les seuls fossés aux bords des terres ne suffisent ; ains sera besoin d’autre remède plus particulier, comme sera monstré, pour desgager le milieu de la terre de ces incommodités. Et d’autant que le vice du trop d’eau excède en malice et celui des ombrages et celui des pierres, ainsi qu’a esté dict, plus qu’à ceux-ci faut-il employer de labeur pour y remédier ; dont finalement le profit en sort plus grand que de nulle autre réparation qu’on puisse faire à la terre, tant fructueuse est celle qui la despestre des eaux malignes ; car non-seulement par là les terres trop humides sont amendées, ains les marécages et palus sont convertis en esquis labourages… est nécessaire le fonds que voulés dessécher avoir pente petite, ou grande sans laquelle les eaux n’en pourroient vuider. Cela présupposé, un grand fossé sera faict depuis un bout du lieu jusques à l’autre, de long en long, commençant toujours par le plus bas endroit et par où remarquerez des sources et humidités ; dans lequel fossé plusieurs autres, mais petits, pendans en plume, des deux côtés se joindront pour y descharger leurs eaux, qu’ils ramasseront de toutes les parties du terroir. Par ce moyen, en contribuant chacun sa portion au grand fossé, icelui les recueillant toutes, les rapportera assemblées à son issue. Le grand fossé à telle cause est appelé mère, et tous ensemble pied-de-géline, pour la conformité, qu’ils ont, ainsi disposés, à la figure du pied de cest animal, dont les griffes tendent au tronc de la jambe… Pour qu’en quelque part qu’on creuse les fossés, faut y aller jusques à quatre pieds ou environ, pour bien coupper les racines des sources, but de ce négoce… Ayant le plan, raisonnable pente et estendue, raisonnablement larges seront aussi les petits fossés, de trois pieds et la mère de cinq ; moyennant laquelle mesure satisferont à vostre intention. Et à ce qu’on ne se déceoive, faut faire tant de fossés, en tant d’endroits, si longs et si amples, sans crainte d’excéder en cest endroit, que source et fontenelle aucune ne soit oubliée, afin de parfaitement bien dessécher le terroir par le général ramas des eaux d’icelui. Ces fossés et grands et petits seront à demi remplis de menues pierres, et le demeurant achevé de combler de la terre qui en aura esté tirée auparavant, dont on le réunira par le dessus avec le plan, si bien que la trace mesme n’y paraisse, pour la commodité du labourage. S’il advient que pour le remplage des fossés la pierre défaille, ne vous mettés en peine d’en faire porter de loin avec grands frais ; mais en lieu d’icelle servés-vous de la paille, ce que pourrés utilement faire en cette sorte. La paille pour la force, sera plus tôt choisie de seigle que d’autre espèce, et à son défaut sera employée celle de froment : on en fera un plancher dans le fossé pour suspendre, causer un vuide en bas pour le passage de l’eau et au-dessus d’icelui plancher y estre mis deux pieds de terre. »