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la précipitation du tir, et si les sacrifices qu’on s’impose pour atteindre au plus haut degré de perfection, dans ce sens, sont bien en rapport avec les résultats obtenus ? Que l’on parvienne, par exemple, à tirer 20 ou 25 coups par minute, n’y aura-t-il pas une énorme quantité de balles perdues, par l’effet même de cette rapidité, et aussi par suite du nuage de fumée qui séparera bientôt les partis ennemis ? On aura donc usé beaucoup de munitions pour faire peu de besogne : la montagne aura accouché d’une souris.

Il suit de là que les armes à répétition ne sont vraiment avantageuses que dans les combats corps à corps, principalement pour la défense. On ne saurait nier que, dans ces conditions, un feu bien nourri, et pour ainsi dire non interrompu, ne soit extrêmement profitable. Mais ces circonstances se présentent rarement à la guerre : les armes à répétition n’ont donc de chances d’être préférées à celles se chargeant par la culasse, qu’à la condition de prendre un caractère mixte, c’est-à-dire de pouvoir se charger à chaque coup de la manière ordinaire, tout en conservant une réserve de quelques cartouches, qu’on dépenserait lorsque le besoin s’en ferait sentir, par le procédé expéditif. En d’autres termes, elles devraient être à la fois des armes ordinaires et des fusils à répétition.

Dans le système à répétition, il y a un écueil, contre lequel sont venus échouer presque tous les inventeurs. On a toujours voulu emmagasiner trop de coups, et l’on a ainsi exagéré outre mesure le poids de l’arme. Un autre inconvénient, qui est inhérent au système lui-même, et qui ne pourra jamais être annulé par les inventeurs, c’est que le centre de gravité de l’arme se déplace nécessairement à mesure que le nombre des cartouches diminue. Le soldat perd ainsi tous les avantages qui résultent de l’habitude et d’une longue connaissance de son arme ; car il lui semble, à chaque instant, avoir un nouveau fusil entre les mains.

L’idée de l’arme à répétition est déjà ancienne. Étudiée et abandonnée à diverses reprises, elle n’est entrée que récemment dans le domaine de la pratique, grâce à l’invention des cartouches métalliques, qui seules pouvaient lui assurer une sécurité complète.

C’est l’Amérique qui confectionna, pour la première fois, les cartouches métalliques pour les armes de guerre. Ces cartouches se composent d’un tube en cuivre rouge, analogue au tube en carton de la cartouche Gévelot, employée dans le fusil Lefaucheux. À la partie postérieure de ce tube, est placée une pastille de fulminate de mercure, qui reçoit le choc d’un percuteur quelconque, et détermine l’inflammation de la poudre.

Les cartouches métalliques ont été appliquées avec succès aux armes se chargeant par la culasse : le tube de cuivre fait l’office d’obturateur, et empêche, en outre, tout encrassement du tonnerre, en s’opposant à l’action des gaz sur les parois du canon. Malheureusement, ces cartouches coûtent fort cher. Pour les fabriquer avec un degré suffisant de précision, il ne faut pas moins de dix ou douze machines différentes, et leur prix de revient varie de 8 à 20 centimes la pièce. À de telles conditions, la guerre deviendrait tellement onéreuse qu’elle serait impossible.

Nous devons ajouter, toutefois, que les cartouches de ce genre se détériorent rarement par l’effet du temps et de l’humidité de l’atmosphère, ce qui diminue de beaucoup la dépense. C’est ce qui résulte d’une déclaration du colonel américain Benton, commandant de l’arsenal de Washington en 1866. Cet officier s’exprimait ainsi, au sujet des cartouches métalliques :

« Sur des centaines de milliers de cartouches métalliques qui sont revenues de l’armée, très-peu étaient avariées, tandis qu’une grande quantité de cartouches en papier, qui nous furent renvoyées, durent être refaites, parce qu’elles étaient usées ou détériorées par l’humidité. »

C’est seulement en Amérique que les fu-