Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/473

Cette page a été validée par deux contributeurs.

barrasser le soldat de cette fourche si gênante, et le mousquet se tira en appuyant simplement la crosse contre l’épaule. Il y avait des mousquets à mèche et des mousquets à rouet : ces derniers étaient employés par la cavalerie.

On donna le nom de mousquetaires aux cavaliers qui furent les premiers armés de mousquets.

Les premiers mousquetaires français parurent en 1572. Brantôme raconte que Charles IX, ayant vu des mousquetaires espagnols à la suite du duc d’Albe, de passage en France, fut frappé de leur bonne mine, et ordonna à Strozzi d’en former un corps dans notre armée. Ils portaient la bandoulière, à laquelle pendaient, par des cordons, des étuis de cuir, de bois ou de fer-blanc, contenant les charges de poudre faites d’avance. Les deux bouts de la bandoulière se réunissaient sur le côté droit, où ils supportaient le sac à balles et le flasque pour le pulvérin d’amorce.

Cependant le mousquet était une arme bien lourde encore pour la cavalerie. La nécessité d’alléger cette arme amena l’invention du pistolet, ainsi nommé, suivant les uns, parce qu’il fut fabriqué, pour la première fois, à Pistoia (Italie) ; suivant les autres, parce que le canon avait le diamètre exact de la pistole.

Le pistolet n’était autre chose qu’un mousquet de petit calibre, et très-court, afin qu’on pût le tirer à bras tendu. Il fut tout d’abord adopté en Allemagne, où il devint l’arme de cavaliers, désignés sous le nom de reîtres.

Les reîtres inaugurèrent, grâce au pistolet, une manière toute nouvelle de combattre. Au lieu de charger en haie, comme les Français, c’est-à-dire sur une seule ligne, avec un intervalle de cinq pas entre chaque homme, les reîtres se massaient en escadrons de quinze ou vingt rangs de profondeur. Chaque rang s’ébranlait l’un après l’autre. Arrivé à portée, le premier rang tirait ; puis, démasquant le second rang, par un mouvement rapide, à droite ou à gauche, il allait se reformer, au galop, à la queue de l’escadron, où chaque cavalier rechargeait son arme. Les autres rangs exécutaient, chacun à son tour, la même manœuvre : c’est ce qu’on appelait, le limaçon ou le caracol.

Cette tactique était en opposition avec le véritable rôle de la cavalerie, qui est de charger à l’arme blanche, en utilisant son choc. Cependant elle obtint un grand succès sur les champs de bataille. La France, qui venait d’en éprouver les effets à la bataille de Renty, se hâta de l’emprunter aux Allemands, Notre armée eut alors des corps de pistoliers.

On voit, au Musée d’artillerie de Paris, de remarquables spécimens des premiers pistolets, c’est-à-dire de ceux du xvie siècle. Ils sont à rouet et se reconnaissent à leurs grandes dimensions, à la forme arrondie de la crosse, et à l’angle très-prononcé que fait la crosse avec le canon.

Un peu plus tard, sous Henri IV, cette disposition fut modifiée : on plaça la crosse presque en ligne droite avec le canon. En même temps, les dimensions de l’arme furent réduites. Tel fut le pistolet du temps de Louis XIII.

Pendant tout le xviie siècle et même une partie du xviiie, les Allemands se servirent, pour le mousquet et le pistolet, des platines à rouet. Ils s’ingéniaient à les perfectionner. Tous leurs efforts tendirent à diminuer le volume des pièces composant le mécanisme, et à les faire rentrer le plus possible dans l’intérieur du corps de la platine. À l’origine, en effet, l’appareil était entièrement extérieur, comme dans les armes à mèche.

En 1694, le mousquet à mèche était encore en usage parmi les troupes françaises. Saint-Remy en parle en ces termes :

« Les mousquets ordinaires, dit-il, sont du calibre de vingt balles de plomb à la livre, et ils reçoivent le calibre de vingt-deux et vingt-quatre, ce que l’on appelle de France. Le nombre de cette sorte de mousquets est d’ordinaire plus grand que celui des autres