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prononcé. Disons cependant que, de nos jours, M. Bessemer a construit un projectile à rainures très-coudées, agissant par la seule action de la poudre, lequel paraît avoir quelques chances de réussite. Les gaz s’engageant dans la rainure, doivent, pour arriver à l’avant du boulet, suivre une route plus longue que celle que décrit le projectile dans l’âme lisse du canon ; ils agissent au point du coude, suivant une direction à peu près perpendiculaire à la génératrice ; un mouvement de rotation du projectile en est la conséquence. Ces boulets arrivaient à faire sur eux-mêmes deux tours et demi, dans un canon de huit pieds de longueur d’âme, avec une charge de poudre égale au sixième du poids du boulet.

Mais ce n’était pas sur les projectiles qu’il fallait agir pour rectifier leur direction, c’était sur l’âme de la bouche à feu.

Dans le second groupe des propositions formulées à cette époque, c’est sur la pièce que portaient les rainures. Ces rainures étaient en hélice, et le boulet, fait de plomb, ou recouvert d’une couche de ce métal, devait être forcé, comme on le pratiquait depuis longtemps pour les balles des carabines, c’est-à-dire par l’action d’un refouloir écrasant le boulet, et quelquefois simplement, par l’expansion de la partie postérieure du projectile, produite par l’action de la poudre.

En 1846, le capitaine Rollée de Baudreville fit une proposition rentrant dans le premier cas ; mais elle ne fut pas soumise à l’expérience[1].

Le capitaine de Faucompré fit plusieurs essais du même genre, et ne parvint pas à des résultats satisfaisants en pratique.

Le général belge Timmerhans imagina le projectile muni d’un sabot expansif à sa partie postérieure. Au moment de la décharge, le sabot, se pressant contre le projectile, faisait disparaître le vide laissé entre eux, et s’écrasait de façon à pénétrer dans les rayures de la pièce.

Les pièces construites d’après ce système, se brisèrent dès les premiers coups, peut-être parce qu’un forcement complet causait une résistance trop grande ; peut-être aussi parce que l’écrasement du sabot s’opérant d’une manière irrégulière, le boulet basculait pressé comme par un coin, et se coinçait, comme on le dit, dans l’âme, opposant une résistance insurmontable à l’expansion des gaz de la poudre, et faisant ainsi éclater quelquefois la pièce.

Un projectile imaginé par un Américain, M. Schenkl, est constitué d’une manière analogue, mais il présente moins de dangers. Au moment de la décharge, une enveloppe de plomb, que porte la partie postérieure de ce boulet, glisse en avant, le long de la partie conique postérieure, et se force dans les rayures de la pièce ; elle guide ainsi le boulet et s’éparpille ensuite en une poussière inoffensive pour l’artillerie.

Ce système, qui est excellent, a été mis en usage pendant la grande guerre des États-Unis.

Il est encore un autre mode de forcement par l’action des gaz de la poudre : on pourrait l’appeler concentrique, par opposition aux forcements excentriques que nous venons d’examiner. Il est depuis longtemps en usage pour les balles dans les armes à feu portatives. Le boulet est évidé dans sa portion postérieure, qui est formée d’un sabot de plomb. Le culot du métal dur poussé par la décharge, entre dans l’espace ménagé devant lui, presse les parties latérales minces et molles, et les fait pénétrer dans les rayures.

Cette forme de projectile est très-bonne pour les carabines, mais dans les canons les projectiles munis d’un sabot qui doit s’écraser pour produire le forcement, ont deux inconvénients. Le premier consiste dans un forcement trop complet qui, opposant une grande résistance à la décharge, peut faire éclater la

  1. Mémorial d’artillerie, VIII.