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charge, ou les battements du projectile contre les parois, ne les fissent éclater dans l’intérieur du canon.

Comme l’indique la figure, l’âme de la pièce était étranglée à son fond, pour recevoir la gargousse.

Les canons à bombes de Paixhans furent adoptés par la marine française en 1824, et presque aussitôt les Anglais l’adoptèrent à notre exemple. Peu d’années après, les pièces étant devenues plus résistantes, on put remplacer la bombe par un obus cylindro-conique, et le sabot fut supprimé.

Dans le remarquable ouvrage qu’il consacra à la description de ces nouveaux engins de guerre, Paixhans fit cette prédiction remarquable et judicieuse, qu’un jour les vaisseaux se couvriraient d’une cuirasse, pour résister à la pénétration des projectiles.

« Nous croyons possible, disait-il, de faire une armure qui, ayant toute la force nécessaire pour lutter contre les boulets de 24 et de 36 de l’artillerie actuelle de mer, ne serait pas tellement pesante, qu’elle ne pût être portée par un bâtiment qui aurait peu d’élévation, et qui serait construit convenablement ; d’où il résulterait, que ce bâtiment aurait par cela seul, et indépendamment de la force de ses canons à bombes, une supériorité défensive extraordinaire contre les grands vaisseaux, puisque ceux-ci, à cause de l’étendue, et surtout à cause de la hauteur de leur surface, ne seront jamais susceptibles d’être revêtus d’une semblable armure[1]. »

Paixhans conseillait aussi, et la chose put alors paraître hardie, d’utiliser comme moteur des navires de guerre, la vapeur, cette invention toute nouvelle, quant à son application aux flottes de combat. Paixhans, qui faisait ses recherches vers 1815, n’avait en vue que les faibles pompes à feu alors connues, machines de petite dimension, d’un faible poids, incapables de suffire à une longue traversée. Cependant il établit, par des calculs irréfutables, que les vaisseaux mus par la vapeur, nécessiteraient un équipage moins nombreux et moins exercé que les autres vaisseaux, et qu’ils pourraient porter un poids plus lourd en canons et en munitions de toute sorte.

La machine à vapeur ne tarda pas à être adoptée par les marines militaires des principales puissances ; mais loin de chercher à augmenter le nombre des canons dans les nouveaux vaisseaux de guerre, on préféra réduire ce nombre et donner plus de force et d’importance au principe moteur pour augmenter la vitesse du navire. La machine à vapeur servit principalement à rendre les longues traversées, non-seulement possibles, mais encore plus faciles qu’avec les anciens vaisseaux de guerre à voile.

Les idées émises par Paixhans eurent un grand retentissement ; elles opérèrent une véritable révolution de l’armement des vaisseaux. Cependant elles n’étaient pas absolument nouvelles. Pendant la guerre de 1812, l’Américain John Stevens, d’Hoboken, avait proposé un bâtiment de guerre mû par la vapeur, et protégé par une armure de fer.

Cependant la métallurgie n’était pas encore assez avancée pour résoudre toutes les difficultés que présentent de telles constructions. Les navires cuirassés paraissaient alors possibles, et même prochains ; les esprits en étaient préoccupés, mais la solution du problème paraissait encore bien éloignée. On faisait, en différents pays, des expériences de tir sur des plaques de fer. Les expériences dans ce but furent exécutées, en Angleterre, à Woolwich, en 1827 ; en France, à Metz, en 1835 ; à Hoboken, en Amérique, en 1841. En général, le fer étant de mauvaise qualité, les plaques étaient brisées ou percées par les projectiles. C’est ainsi que les expériences faites à Metz avaient conduit le général Morin à condamner sans rémission le principe du blindage métallique. On ne s’était pas avisé que ce résultat négatif pouvait tenir aux qualités des fers essayés, et qu’en encourageant les métallurgistes à perfectionner leurs produits, on pourrait arriver à obtenir des

  1. Nouvelle Force maritime et artillerie, in-4o. Paris, 1832, p. 294.