Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/418

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les raies trop inclinées ne pouvaient plus retenir la balle dans leur sillon, et que celle-ci, sous l’impulsion de la poudre, franchissait les arêtes en droite ligne.

Dans ce dernier cas, la rayure était nuisible, dans le premier cas elle était inutile. Mais, toutes les fois que le projectile tournait suivant la spire, on observait un recul de l’arme beaucoup plus fort qu’avec le canon lisse ; ce qui est naturel, car le recul se compose de la résistance qu’offre le projectile à se déplacer, et ici il y a un surcroît de résistance causé par la pénétration des arêtes dans la balle, et le glissement oblique de celle-ci. On conçoit également que le recul est d’autant plus fort que le forcement de la balle est plus grand et que les raies sont plus inclinées.

On fut conduit à diminuer la charge de poudre, et d’autre part à augmenter l’épaisseur du métal de l’arme, autant pour parer au danger de rupture, devenu plus à craindre, que pour éviter le recul. Les premières carabines rayées en spirale sont toutes très-épaisses et très-lourdes, relativement au calibre.

Par des tâtonnements successifs, les arquebusiers arrivèrent à construire à peu près régulièrement des carabines rayées, qui étaient plus efficaces dans leur tir que les armes portatives à âme lisse. Cependant de nos jours encore on n’est pas d’accord sur le nombre, ni sur la forme et l’inclinaison des raies à donner à une arme déterminée. On a tour à tour essayé, abandonné et repris les rayures plus inclinées au tonnerre qu’à la volée, ou inversement, et les raies croissant ou décroissant en profondeur et en largeur, suivant le chemin du projectile.

Au temps de Robins, pour obliger le projectile à suivre les rainures des carabines, on faisait usage du système dit à balle forcée. On aplatissait la balle par-dessus la charge de poudre, en la frappant avec un maillet et une baguette de fer. On en faisait autant pour les canons rayés en employant un boulet de plomb. Mais ce système avait un inconvénient ; le projectile déformé éprouvait une plus grande résistance de la part de l’air ; et frappant le but avec une surface plate, il le pénétrait moins profondément.

Il est facile de comprendre comment les armes portatives rayées ont devancé de beaucoup les canons rayés. L’obstacle principal à vaincre était le défaut de résistance du métal. Or, il a toujours été plus facile de donner de la résistance aux pièces de petit calibre, qu’aux armes de calibre plus grand. Nous avons vu constamment, dans cette histoire de l’artillerie, les notions théoriques d’un progrès à accomplir, devancer le moment où ce progrès est pratiquement applicable, parce que tous ces progrès, ou au moins les principaux, sont liés à la qualité du métal mis en œuvre. Constamment nous avons vu les perfectionnements être appliqués aux armes portatives avant d’être mis en usage dans la grosse artillerie. C’est ainsi que les armes à main lançaient des projectiles métalliques, tandis que les canons et les bombardes ne tiraient encore que des boulets de pierre. C’est ainsi qu’on se servit de la poudre grenée dans les mousquets et les couleuvrines, tandis que les grosses pièces ne pouvaient faire usage que de poudre en poussier ou en galette. C’est encore ainsi que, de nos jours, les fusils chargés par la culasse ont devancé les canons chargés par un mécanisme analogue.

À l’époque où Robins faisait ses expériences, il n’y avait pas encore eu d’expériences de tir bien faites, et l’on ne connaissait pas les portées extrêmes des armes à feu. On savait seulement à quelle distance il était possible d’atteindre la cible. Or Robins avait remarqué que c’était surtout dans la seconde moitié de la portée totale, que le projectile déviait du plan de tir. Retarder ces déviations ou les empêcher, équivalait à augmenter la portée utile. Aussi les