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nous avons considérés, le boulet sortira toujours du plan du tir, et cela plus ou moins, selon que le diamètre se rapprochera du diamètre vertical, le premier considéré, lequel donne la déviation la plus grande à droite ou à gauche.

Ayant ainsi trouvé la véritable cause des déviations des projectiles, Robins en conclut, avec une grande justesse de raisonnement, qu’on y remédierait en forçant le projectile à choisir pour axe de rotation le diamètre horizontal situé dans le plan du tir. Il y avait, dans cette pensée, la théorie tout entière des armes rayées.

La rayure d’une bouche à feu consiste, comme chacun le sait, en une série de sillons creusés longitudinalement dans l’âme de la pièce, et décrivant des hélices parallèles, sinon depuis la culasse jusqu’à la bouche, au moins sur un long espace. Le nombre des raies varie, de même que leur longueur, leur profondeur suivant la forme de leurs bords et le pas de l’hélice. Nous aurons occasion de revenir sur chacun de ces points.

Depuis longtemps déjà, les armes rayées existaient par toute l’Europe ; mais elles étaient en petit nombre, et mal construites. Dès le jour où Robins les soumit à une étude mathématique, dès que les principes d’une science rigoureuse présidèrent à leur fabrication, elles prirent un essor tout nouveau.

Sans nous occuper ici des armes portatives rayées, connues sous le nom spécial de carabines, qui paraissent remonter jusqu’au xve siècle, et dont l’histoire trouvera sa place dans la Notice suivante, nous pouvons dire que, longtemps déjà avant Robins, les premiers canons rayés avaient apparu.

Il existe, au Musée de Berlin, une pièce en fer, datant de 1661, dont l’âme est creusée de treize rayures.

Nuremberg possède un canon en fer forgé, portant huit raies, et dont l’origine peut être fixée à 1694.

Ces exemples suffisent pour établir l’ancienneté du canon rayé ; il ne serait pas difficile d’en citer beaucoup d’autres.

Les rayures pratiquées dans les armes portatives les plus anciennes, c’est-à-dire dans les carabines, n’étaient pas tournées en spirale ; elles allaient en droite ligne, d’une extrémité de l’âme à l’autre bout. Les constructeurs n’avaient eu sans doute d’autre but que de diminuer l’effet de l’encrassement, en donnant place aux produits solides de la combustion de la poudre dans les raies, pendant que le projectile était guidé par le contact des saillies du métal. Ce même artifice permettait de diminuer l’espace laissé au vent dans les armes ordinaires, et par conséquent il donnait au tir une plus grande portée et plus de précision.

Plus tard, peut-être simplement par bizarrerie, peut-être aussi par l’idée que le projectile en tournant sur lui-même entrerait mieux dans la plaie, par comparaison avec l’action d’une vrille, on s’avisa de donner aux raies une certaine inclinaison, de telle sorte qu’elles décrivissent un tour entier de spire en un espace plus ou moins long. Ces raies avaient déjà pour effet de communiquer au projectile le mouvement de rotation suivant l’axe voulu.

Les résultats obtenus furent très-différents, parce que les armuriers employaient tour à tour les dispositions les plus diverses. Quelquefois les raies de la carabine ne faisaient pas même un quart de tour dans l’âme, mais parfois elles faisaient plus de trois tours. Il y avait des carabines creusées de deux, de trois rayures ; sur d’autres, on en comptait plus de cent. Dans ce dernier cas, les rayures étaient si fines qu’on les nommait merveilleuses, ou à cheveux. La même diversité dut s’observer dans le diamètre des balles ; tantôt la balle, trop petite, devait se comporter comme dans les canons à âme lisse, tantôt l’inclinaison des rayures pouvait lui communiquer le mouvement rotatoire. Il dut arriver enfin que