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de son procédé héliographique. Ce procédé était décrit dans une Notice sur l’héliographie, qui fut annexée au traité, et que nous allons reproduire, parce qu’elle renferme l’idée la plus précise que l’on puisse désirer de la méthode de Niépce et des résultats auxquels l’inventeur avait été conduit, résultats assez médiocres, comme on va le voir, malgré les longues années qu’il avait consacrées à ses recherches.

« Notice sur l’Héliographie. — La découverte que j’ai faite et que je désigne sous le nom d’Héliographie consiste à reproduire spontanément, par l’action de la lumière, avec les dégradations de teintes du noir au blanc, les images reçues dans la chambre obscure.

« Principe fondamental de cette découverte. — La lumière, dans son état de composition et de décomposition, agit chimiquement sur les corps ; elle est absorbée, elle se combine avec eux, et leur communique de nouvelles propriétés. Ainsi, elle augmente la consistance naturelle de quelques-uns de ces corps ; elle les solidifie même, et les rend plus ou moins insolubles, suivant la durée ou l’intensité de son action. Tel est, en peu de mots, le principe de la découverte.

« Matière première. — Préparation. — La substance, ou matière première que j’emploie, celle qui m’a le mieux réussi, et qui concourt plus immédiatement à la production de l’effet, est l’asphalte ou bitume de Judée, préparé de la manière suivante :

« Je remplis à moitié un verre de ce bitume pulvérisé. Je verse dessus, goutte à goutte, de l’huile essentielle de lavande, jusqu’à ce que le bitume n’en absorbe plus et qu’il en soit seulement bien pénétré. J’ajoute, ensuite, assez de cette huile essentielle pour qu’elle surnage de trois lignes (0m,007) environ au-dessus du mélange, qu’il faut couvrir et abandonner à une douce chaleur, jusqu’à ce que l’essence ajoutée soit saturée de la matière colorante du bitume. Si ce vernis n’a pas le degré de consistance nécessaire, on le laisse évaporer à l’air libre, dans une capsule, en le garantissant de l’humidité qui l’altère et finit par le décomposer. Cet inconvénient est surtout à craindre dans cette saison froide et humide, pour les expériences faites dans la chambre obscure.

« Une petite quantité de ce vernis appliquée à froid avec un tampon de peau très-douce, sur une planche d’argent plaqué, bien polie, lui donne une belle couleur de vermeil, et s’y étend en couche mince et très-égale. On place ensuite la planche sur un fer chaud, recouvert de quelques doubles de papier, dont on enlève ainsi, préalablement, toute l’humidité ; et lorsque le vernis ne poisse plus, on retire la planche pour la laisser refroidir et finir de sécher à une température douce, à l’abri du contact d’un air humide. Je ne dois pas oublier de faire observer, à ce sujet, que cette précaution est indispensable. Dans ce cas, un disque léger, au centre duquel est fixée une courte tige que l’on tient à la bouche, suffit pour arrêter et condenser l’humidité de la respiration.

« La planche ainsi préparée peut être immédiatement soumise aux impressions du fluide lumineux ; mais même après y avoir été exposée assez de temps pour que l’effet ait eu lieu, rien n’indique qu’il existe réellement ; car l’empreinte reste inaperçue. Il s’agit donc de la dégager, et on y parvient à l’aide du dissolvant.

« Du dissolvant. — Manière de le préparer. — Comme ce dissolvant doit être approprié au résultat que l’on veut obtenir, il est difficile de fixer avec exactitude les proportions de sa composition. Mais, toutes choses égales d’ailleurs, il vaut mieux qu’il soit trop faible que trop fort. Celui que j’emploie de préférence, est composé d’une partie, non pas en poids, mais en volume, d’huile essentielle de lavande, sur six parties, même mesure, d’huile de pétrole blanche. Le mélange, qui devient d’abord laiteux, s’éclaircit parfaitement au bout de deux ou trois jours. Ce composé peut servir plusieurs fois de suite. Il ne perd sa propriété dissolvante que lorsqu’il approche du terme de sa saturation, ce qu’on reconnaît parce qu’il devient opaque et d’une couleur très-foncée ; mais on peut le distiller et le rendre aussi bon qu’auparavant.

« La plaque ou planche vernie étant retirée de la chambre obscure, on verse dans un vase de fer-blanc d’un pouce (0m,027) de profondeur, plus long et plus large que la plaque, une quantité de ce dissolvant assez considérable pour que la plaque en soit totalement recouverte. On la plonge dans le liquide, et en la regardant sous un certain angle, dans un faux jour, on voit l’empreinte apparaître et se découvrir peu à peu, quoique encore voilée par l’huile qui surnage, plus ou moins saturée de vernis. On enlève alors la plaque, et on la pose verticalement pour laisser bien écouler le dissolvant. Quand il ne s’en échappe plus, on procède à la dernière opération, qui n’est pas la moins importante.

« Du lavage. — Manière d’y procéder. — Il suffit d’avoir pour cela un appareil fort simple, composé d’une planche de quatre pieds (1m,30) de long et plus large que la plaque. Cette planche est garnie, sur champ, dans sa largeur, de deux liteaux bien joints, faisant une saillie de deux pouces (0m,054), elle est fixée à un support par son extrémité supérieure à l’aide de charnières qui permettent de l’incliner à volonté, pour donner à l’eau que l’on verse, le degré de vitesse nécessaire. L’extrémité inférieure de la planche aboutit dans un vase destiné à recevoir le liquide qui s’écoule