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Les moyens de défense que nous venons d’énumérer, témoignent de la nécessité, qui devint alors évidente, de défendre le pied des murs autrement que par les mâchicoulis, ainsi que des efforts que l’on fit alors dans ce but. Bien que ces moyens fussent insuffisants, et quelquefois honteux aux yeux de l’homme de guerre, forcé de se cacher au fond du fossé ou dans des casemates, pour échapper au feu de l’ennemi, ils renfermaient en eux le principe du flanquement moderne. C’est encore le seul mode de défense du pied de la muraille, qui, de nos jours, soit mis en usage.

Avant l’invention des armes à feu, il fallait nécessairement, pour s’emparer d’une place, escalader ou faire brèche, et en venir à un combat corps à corps. Pour cela il fallait supprimer les obstacles interposés entre les deux armées. La muraille et le fossé ont, de tout temps, été les moyens évidents et naturels pour couper le passage à l’armée d’attaque. Mais la muraille eût été bientôt renversée et le fossé comblé, si l’assiégé n’eût pourvu à leur défense. Du haut de la muraille, et par les mâchicoulis ou les meurtrières, il défendait le fossé et le pied du mur. Mais bientôt l’artillerie brisa les mâchicoulis, fit tomber les murailles élevées, et annula l’avantage de la hauteur dont l’assiégé avait joui jusque-là. Ce dernier ne pouvait plus impunément paraître à découvert au haut de son mur, ou même se retrancher derrière les faibles obstacles que broyait le canon ; et pourtant il fallait parer à la défense du pied du mur, car là était toujours le point faible. Rien ne pouvant plus être lancé du haut du mur, la défense verticale étant impossible, on mit en œuvre la défense horizontale, ou oblique.

Ainsi naquit le flanquement, le véritable moyen caractéristique des innovations qui furent amenées par l’artillerie dans la défense des fortifications. Le mur ne se défendit plus lui-même, mais un mur en défendit un autre, la ligne d’enceinte fut brisée, et l’on inventa le bastion.

Fig. 245. — Rempart de transition avec ses parties saillantes arrondies (bastion).

Ce ne fut pas tout d’un coup que l’on imagina le bastion, mais à mesure que de sanglantes défaites provoquaient les efforts des princes pour parer aux désastres qu’ils avaient éprouvés.

Dans le principe, outre qu’on épaississait les murailles, comme nous venons de le dire, on cherchait à rendre les anciennes tours plus saillantes et l’on augmentait leur nombre. On construisait beaucoup d’ouvrages avancés ou détachés, dont on reconnut plus tard le vice. Telle était la bastille, ou bastillon, d’abord établie au delà du fossé. Le bastillon ne fut bientôt qu’un ouvrage avancé, qu’un même fossé reliait à l’enceinte. Enfin le bastillon fut décidément incorporé à la muraille, et il prit alors le nom de bastion : ce ne fut plus qu’un point saillant de l’enceinte. Ainsi les complications des anciens remparts tendaient à disparaître.

Il fallait une masse épaisse et homogène