Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/349

Cette page a été validée par deux contributeurs.

teils, ce qui montre bien que leur rôle n’était pas de battre les murailles, mais d’envoyer leurs pierres jusque dans la ville.

Dans la période de transition entre l’époque qui nous a occupé jusqu’ici et la période qui va suivre, les petites pièces de canon, ou même des pièces déjà d’une moyenne grosseur, lançaient des projectiles métalliques. À ce moment, on songea à s’attaquer, par les boulets de pierre, à la muraille même. Les boulets de pierre des bombardes étaient souvent alors cerclés de fer, ou farcis de plomb. On les lançait contre la muraille, à deux hauteurs d’homme ; après l’avoir ainsi ébranlée, on dirigeait contre le même but, et dans l’intervalle des premiers coups, les projectiles métalliques, qui creusaient la partie ébranlée. C’est ainsi qu’en 1476, au siége de Morat, par Charles-le-Téméraire, l’artillerie réussit à faire crouler un grand pan de mur, après une canonnade de quelques jours.

Deux méthodes de tir en brèche étaient déjà employées : la première et la plus rationnelle, consistait à lancer tous les boulets de pierre sur une même ligne horizontale. On entaillait ainsi la muraille à une hauteur donnée, en général peu considérable, et l’on pouvait arriver, au bout d’un certain temps, à la faire tomber. Mais pour que ce système pût être mis en pratique, il aurait fallu que le tir des bombardes possédât une justesse qui était alors inconnue, et que les projectiles de pierre eussent une force bien grande pour creuser ainsi, par leur simple choc, un fossé dans la maçonnerie. La deuxième méthode, la seule praticable à cette époque, consistait à faire battre tous les boulets de pierre dans un grand cercle tracé en imagination sur le mur ; cette partie, continuellement ébranlée, finissait quelquefois par céder au choc répété des projectiles.

Les pierres lancées par les grandes bombardes ne pouvaient qu’ébranler les murailles des villes et des châteaux forts. Nous allons voir les boulets métalliques découper ces remparts, tant et si bien, qu’il n’en restera plus de traces.


CHAPITRE V

troisième période : époque du boulet de fonte. — grands progrès apportés à l’artillerie par la découverte du tourillon des canons. — importance du tourillon. — l’artillerie de charles-le-téméraire. — l’artillerie de charles viii. — l’artillerie de charles-quint. — les six calibres de france.

Nous arrivons à l’époque où s’accomplit le plus grand perfectionnement dans la construction des bouches à feu, c’est-à-dire à l’invention du tourillon. On vient de voir de quelle difficulté s’accompagnait le pointage, et l’imperfection des affûts que l’on employait pendant les xiiie et xive siècle. La culasse de la bouche à feu était toujours appuyée contre un obstacle, contre le sol ou un heurtoir. Il en résultait que la force de recul, au moment de l’explosion, était supportée tout entière par la pièce elle-même, ce qui amenait sa prompte détérioration.

Tous ces inconvénients disparurent par l’invention du tourillon, qui paraît remonter à l’année 1480, sans qu’il soit possible de déterminer avec plus de précision cette date.

Fig. 209. — Les tourillons d’une bouche à feu (coupe et élévation).

Qu’est-ce que le tourillon ? Tout le monde a remarqué que nos pièces de canon sont garnies, vers le tiers de leur longueur, de deux ailettes cylindriques, A, B (fig. 209), qui font partie de la pièce, et qui sont coulées avec la bouche à feu : ce sont les tourillons. Ils ont